Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/364

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D’Aubigny y étoit déjà, qui n’y passoit point les antichambres, et que son petit état faisoit mépriser. Elle crut donc qu’un cadet de Bournonville qui avoit de l’esprit, de l’entregent, de l’intrigue, qui portoit un nom distingué dans les Pays-Bas, qui y avoit force parents, et qui étoit un homme à tout faire pour arriver à plaire et à parvenir, perceroit et viendroit à bout de la chose du monde qu’elle passionnoit le plus démesurément. Elle y fut trompée. Capres se déshonora par une commission si ridicule et si fort au-dessous de lui, ne put être reçu à rien traiter à Utrecht, et y essuya tous les dégoûts possibles que sa mission attira à sa personne, Mais pour lui, il réussit à ce qu’il vouloit, qui étoit de plaire à la distributrice des grâces de toutes les sortes. Mme des Ursins lui sut si bon gré d’avoir fait ce voyage de sa part, et de tout ce qu’il y avoit essuyé pour l’amour d’elle qu’elle ne tarda pas à l’en récompenser. Il n’avoit ni grâces ni aucun bien vaillant ; elle le mit à son aise et lui fit donner la Toison, bientôt après la grandesse, enfin la compagnie wallone des gardes du corps du roi d’Espagne. J’ai pressé ces petits événements afin de n’avoir pas à y revenir. Les Pièces, où tout ce qui regarde la paix se trouve si bien expliqué, me dispensent d’en rien dire ici en détail.

Le vendredi saint, 14 avril, Torcy entra sur les huit heures du soir chez Mme de Maintenon, menant au roi le chevalier de Beringhen, aujourd’hui premier écuyer et chevalier de l’ordre, chargé par le maréchal d’Huxelles d’apporter la nouvelle tant désirée de la signature de la paix, faite enfin le lundi précédent 10, fort avant dans la nuit, avec l’Angleterre, la Hollande, le Portugal, et les deux nouveaux rois de Sicile et de Prusse ; et, pour le dire tout de suite, on eut les ratifications le 14 mai, et le 22 la publication de la paix se fit dans Paris avec grande solennité [1].

  1. La paix et la guerre se publiaient dans l’ancienne monarchie avec des formes solennelles, le prévôt des marchands et autres officiers municipaux ou royaux allaient avec des archers et des hérauts d’armes en faire la proclamation dans les divers quartiers de Paris. On trouve la description d’une de ces solennités dans le Journal de l’avocat Barbier, à la date du 12 février 1749.