Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/380

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CHAPITRE XVII.


Menées sourdes et profondes du P. Tellier et de Bissy, évêque de Meaux. — Voysin substitué à Torcy pour les.affaires du cardinal de Noailles. — Bissy nommé au cardinalat. — Projet énorme du P. Tellier. — L’affaire du cardinal de Noailles portée à Rome. — P. Daubenton et Fabroni ; quels. — Ils dressent seuls, et en secret, la constitution Unigenitus. — Le pape engagé de parole positive à ne donner sa constitution que de concert et approuvée du cardinal de La Trémoille en particulier, et du sacré collége en général. — Audacieuse visite du P. Tellier au cardinal de Rohan. — Caractère du cardinal de Rohan ; son éducation. — Il doit tout au cardinal de Noailles. — Priviléges de la vie des cardinaux. — Combat intérieur du cardinal de Rohan. — Tallard entraîne le cardinal de Rohan au P. Tellier. — Cardinal de Rohan grand aumônier. — Cardinal de Polignac maître de la chapelle du roi. — Orgueil de son serment. — Il reçoit le bonnet de la main du roi ; il le harangue à la tête de l’Académie française sur la paix. — Vittement recteur de l’Université ; sa belle harangue et son très-singulier effet.


Le P. Tellier avançoit à grands pas vers le but qu’il s’étoit proposé toute sa vie, pour lequel il avoit travaillé sans cesse dans l’obscurité du cabinet, et sa place et le crédit prodigieux qu’il y avoit acquis le mettoient en état de tout oser pour y arriver. On a vu le caractère terrible de ce jésuite ; les conjonctures lui étoient les plus favorables pour le grand projet qu’il avoit formé. Il avoit affaire à un prince qui, de son aveu même, étoit de la plus profonde ignorance, élevé par la reine sa mère dans l’opinion que ce qu’on appeloit jansénistes étoit un parti républicain dans l’Église et dans l’État, ennemis de son autorité qui étoit son idole, inaccessible toute sa vie à tout ce qui n’étoit pas entièrement dévoué