Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/410

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sans parler d’eux-mêmes. Il les pria tout de suite (pria et non ordonna) de s’embrasser encore ; ils le firent et se retirèrent aussitôt avec le même silence et force civilités des trois maréchaux commissaires, auxquelles ils ne répondirent qu’en les saluant. Ils allèrent de là où bon leur sembla en pleine liberté, et on n’a pas ouï parler d’eux depuis.

On ne se jettera pas ici dans une longue parenthèse pour montrer combien la prétention des maréchaux de France est destituée de raison, qu’elle n’a jamais eu lieu avec tous leurs efforts, et qu’elle n’étoit tombée dans l’esprit de pas un d’eux avant plus du milieu du règne de Louis XIV. Ce seroit aussi perdre le temps que de vouloir montrer la différence entière de la dignité de pair, de celle même de duc, d’avec l’office de maréchal de France. L’évidence en saute aux yeux ; elle se voit en tout et partout ; les maréchaux de France eux-mêmes n’ont jamais imaginé de s’y comparer ; et si à la guerre les maréchaux de France effacent en tout les ducs, l’argument est trop fort pour, avoir jamais été proposé, puisque les princes du sang eux-mêmes n’y sont pas exceptés. Personne ne leur conteste tout avantage purement militaire, mais pour la juridiction attachée à leur office, ils ne sauroient montrer qu’ils aient seulement pensé d’y soumettre les ducs avant le milieu du règne de Louis XIV, et la confusion que les ministres de ce prince lui inspirèrent de jeter pour abaisser toute hauteur, et sous prétexte de son autorité, pour établir la leur et se tirer de leur néant pour arriver ainsi par degrés où on les voit aujourd’hui parvenus, en quoi le nombre de ces quatorze ducs et pairs, puis des quatre autres ajoutés après à la fin de 1663 et 1665, contribua beaucoup.

Depuis la nouvelle naissance de cette prétention, il s’est trouvé peu d’exemples d’occasion de vouloir l’exercer. La querelle des ducs d’Aumont et de La Ferté fut la première ; les maréchaux de France n’oublièrent rien pour en profiter. C’étoit un temps de guerre vive et heureuse, par conséquent