Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/411

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de crédit et de brillant pour eux ; néanmoins ils ne purent parvenir à soumettre ces deux ducs à leurs ordres, en tirer la moindre excuse, ni oser leur faire la plus légère réprimande de ce qu’ils avoient fait sauter leur degré aux exempts de la connétablie [1] qu’ils leur avoient envoyés, et qui furent de plus menacés d’être jetés par les fenêtres, avec des paroles fort peu décentes pour le tribunal qui les envoyoit ; et l’affaire finit par la qualité de commissaires du roi, en vertu de laquelle et point du tout de l’autorité de leur office, les maréchaux de France les accommodèrent avec force civilités et compliments, les firent embrasser, les conduisirent, et en toute cette action, dans toute laquelle il ne fut aucune mention de tout ce qui s’étoit passé contre leur prétendue autorité, il n’y eut rien qui sentît la forme de tribunal, ni aucune autre chose que l’autorité du roi très-modestement exercée en qualité de ces commissaires.

On a vu dans ces Mémoires une querelle du duc de Lesdiguières avec Lambert, depuis lieutenant général, dont les maréchaux de France n’osèrent prendre la moindre connoissance, quoique arrivée en lieu public à Paris, et qui fut accommodée par le maréchal de Duras seul, beau-père du duc de Lesdiguières, non comme maréchal de France, mais en qualité de commissaire du roi.

C’est donc encore ce qui est arrivé ici. Le duc d’Estrées et le comte d’Harcourt ont si peu été mis à la Bastille pour avoir refusé de reconnoître la juridiction des maréchaux de France, et de recevoir leurs exempts, et tellement pour qu’en attendant leur accommodement il n’arrivât rien entre eux, que, s’il en eût été autrement, le tribunal n’eût pas

  1. La connétablie était primitivement le tribunal du connétable de France. Lorsque Louis XIII eut supprimé cette dignité, on donna le nom de connétablie au tribunal où les maréchaux de France jugeaient les questions relatives au point d’honneur. — Il y avait une autre connétablie qui connaissait de tous les crimes ou délits commis par des gens de guerre dans les camps, pendant les marches ou dans les garnisons. Saint-Simon parle ici de la première connnétablie ou tribunal des maréchaux.