Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/421

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sa famille. Le roi ne la fit pas attendre, et la manda dans son cabinet. L’audience fut longue ; je n’en dirai rien ; mais, si on en ignora le détail, on sut bientôt que le roi s’étoit fort offensé d’avoir appris un mariage arrêté dans sa famille, sans qu’aucune des parties lui en eût dit un mot, qu’il trouva que Mme la Princesse avoit raison d’être piquée de son côté du secret que lui en faisoit Mme sa fille, et que sur-le-champ le double mariage fut décidé. Le roi désiroit d’autant plus ardemment de pouvoir remettre la paix dans cette famille, que l’aigreur y étoit parvenue au plus haut degré, parce qu’il prévoyoit sagement que M. du Maine y seroit toujours la partie foible, et que cette paix lui étoit d’une plus grande importance que ne pouvoient être les biens qu’il tireroit par des arrêts.

Dans cette résolution bien arrêtée, il lava la tête rudement dès le soir même à M. [le duc] et à Mme la duchesse d’Orléans, et à Mme la duchesse de Berry, et leur défendit de penser davantage à un mariage qu’ils avoient osé non-seulement penser, mais fort avancer sans lui en avoir parlé, et su s’il l’auroit agréable. Ce même soir, il parla à Mme la Duchesse en père, mais en maître qui veut être obéi sans réplique, sur le mariage de son fils avec Mlle de Conti, et de sa fille aînée avec M. le prince de Conti, dont Mme la Duchesse fut d’autant plus étourdie qu’elle ignoroit parfaitement l’autre mariage si prêt à faire, et ce que Mme la Princesse étoit venue faire à Versailles. Mme la princesse de Conti fut mandée à Paris. Le roi la vit dans son cabinet, et trouva en elle la plus ferme résistance. Elle dit au roi qu’il falloit que les procès fussent jugés avant qu’elle pût entendre à rien ; que de plus on lui avoit fait d’autres propositions très-convenables pour Mlle sa fille, dans lesquelles elle étoit entrée ; qu’enfin Mlle de Bourbon n’avoit point de bien. Le roi discuta avec elle, il prit toutes sortes de tons ; puis, voyant qu’il n’avançoit pas davantage, il parla en roi et en maître, et déclara à Mme la princesse de Conti qu’il