Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/462

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mandoit à Madame : Votre timide beau-frère n’est qu’un fanfaron et un avare. Quand une fois vous serez dans Dunkerque, nous lui ferons faire, le bâton haut, tout ce que nous voudrons. Le roi a envoyé un exempt à Vardes avec des gardes pour l’arrêter prisonnier et le conduire dans la citadelle de Montpellier et lui ordonner de se défaire de sa charge. M. le maréchal de Grammont a eu de longues conférences avec le roi, et l’on dit qu’il a obtenu le pardon pour son fils ; mais néanmoins que c’est un homme dont la fortune est perdue. »


IV. LE DUC DE MAZARIN.


Pages 277 et suiv.


Le duc de Mazarin, dont Saint-Simon retrace le caractère (p. 277, 278, 279 de ce volume), a été représenté par tous les contemporains comme un maniaque, auquel la jalousie et une dévotion ridicule avoient troublé l’esprit. Hortense Mancini, qu’il avoit épousée [1], donne une idée de sa jalousie dans le passage suivant de ses Mémoires : « Je ne pouvois, dit-elle, parler à un domestique, qu’il ne fût chassé le lendemain. Je ne recevois pas deux visites de suite d’un même homme, qu’on ne lui fît défendre la maison. Si je témoignois quelque inclination pour une de mes filles, on me l’ôtoit aussitôt. Si je demandois mon carrosse, il défendoit en riant qu’on y mit les chevaux et plaisantoit avec moi sur cette défense… Il auroit voulu que je n’eusse vu que lui seul au monde. » Le duc de Mazarin ne se borna pas à exercer sur sa femme cette ridicule et tyrannique surveillance, il fit mutiler les statues ou barbouiller les tableaux du palais Mazarin qui lui paraissoient blesser la décence [2]. Il poussa la manie des réformes jusqu’à vouloir intervenir dans les amours de Louis XIV et de Mlle de La Vallière. Un grave contemporain, Olivier d’Ormesson, raconte dans son Journal inédit [3] cette aventure qui peint le duc de Mazarin : « Je veux écrire une histoire véritable de M. le duc Mazarin, lequel, ayant formé le dessein d’avertir le roi du scandale que sa conduite avec Mlle de La Vallière cause dans son royaume, communia,

  1. Voy. les Nièces de Mazarin, par Amédée Renée.
  2. Voy. les Mémoires de l’abbé de Choisy, coll. Petitot, 2e série, t. LXIII, p. 207.
  3. Journal d’Olivier d’Ormesson, fol. 80 verso et 81 recto ; à la date du 16 décembre 1665.