Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’elle ne pouvoit bannir de son cœur son père et son pays. On a vu combien elle étoit unie à la reine sa sœur, d’amitié, d’intérêt et de commerce.

Avec tant de grandes, de singulières et de si aimables parties, elle en eut et de princesse et de femme, non pour la fidélité et la sûreté du secret, elle en fut un puits, ni pour la circonspection sur les intérêts des autres, mais pour des ombres de tableau plus humaines. Son amitié suivoit son commerce, son amusement, son habitude, son besoin ; je n’en ai guère vu que Mme de Saint-Simon d’exceptée ; elle-même l’avouoit avec une grâce et une naïveté qui rendoit cet étrange défaut presque supportable en elle. Elle vouloit, comme on l’a dit, plaire à tout le monde ; mais elle ne se put défendre que quelques-uns ne lui plussent aussi. À son arrivée et longtemps, elle avoit été tenue dans une grande séparation, mais dès lors approchée par de vieilles prétendues repenties, dont l’esprit romanesque étoit demeuré pour le moins galant, si la caducité de l’âge en avoit banni les plaisirs ; peu à peu dans la suite plus livrée au monde, les choix de ce qui l’environna de son âge se firent pour la plupart moins pour la vertu que par la faveur. La facilité naturelle de la princesse se laissoit conformer aux personnes qui lui étoient les plus familières, et ce dont on ne sut pas profiter, elle se plaisoit autant, et se trouvoit aussi à son aise et aussi amusée d’après-dînées raisonnables, mêlées de lectures et de conversations utiles, c’est-à-dire pieuses ou historiques, avec les dames âgées qui étoient auprès d’elle, que des discours plus libres et dérobés des autres qui l’entraînoient plutôt qu’elle ne s’y livroit, retenue par sa timidité naturelle et par un reste de délicatesse. Il est pourtant vrai que l’entraînement alla bien loin, et qu’une princesse moins aimable et moins universellement aimée, pour ne pas dire adorée, se seroit trouvée dans de cruels inconvénients. Sa mort indiqua bien ces sortes de mystères, et manifesta toute la cruauté de la tyrannie que le roi ne