Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/104

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sur la souveraineté prétendue par la princesse des Ursins et sur toute sa conduite avec le roi d’Espagne depuis la mort de la reine, mit le sceau à la résolution de la perdre sans retour.

Il échappa au roi, toujours si maître de soi et de ses paroles, un mot et un sourire sur Mme des Ursins tellement énigmatique, quoique frappant, que Torcy, à qui il le dit, n’y comprit rien. Dans sa surprise il le conta à Castries, son ami intime, et celui-ci à Mme la duchesse d’Orléans, qui le conta à M. le duc d’Orléans et à moi. Nous nous cassâmes vainement la tête pour y comprendre quelque chose. Toutefois un mot si peu intelligible sur une personne comme Mme des Ursins, et qui jusqu’à ces derniers temps avoit été si parfaitement avec le roi et avec Mme de Maintenon, ne me parut pas favorable. J’y étois confirmé par ce qui venoit de se passer sur sa souveraineté, mais à mille lieues de la foudre que cet éclair annonçoit, et qui ne nous le développa que par sa chute. Mais il n’est pas temps encore d’en parler.

Le mariage de Parme étoit conclu, et le roi n’en ouït point encore parler de quelque temps de la part de l’Espagne. Tout portoit à croire néanmoins que Chalois n’étoit venu que pour cette affaire, que les dépêches qu’il avoit apporiées au cardinal del Giudice la regardoient. Peut-être s’en trouvèrent-ils embarrassés, et qu’ils différèrent. Je n’en ai pas pénétré davantage là-dessus. Peut-être aussi cela ne regardoit-il encore que la souveraineté manquée, et l’ordre envoyé aux plénipotentiaires d’Espagne de signer la paix, sans en plus parler. Quoi qu’il-en soit, Chalois apporta lui-même les paquets dont il étoit chargé au cardinal del Giudice à Marly. Il s’en retourna sans voir le roi ni personne. C’étoit le samedi 2 juin.

Le lendemain dimanche 3, le roi, satisfoit enfin de l’ordre du roi d’Espagne envoyé à Utrecht, fit entrer le duc de Berwick dans son cabinet, à qui il ordonna de se tenir prêt à