Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/107

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alors. Elle fut affligée au dernier point de la perte de cette tante.

M. de Bouillon avoit eu une assez grande maladie à Versailles, dont on crut même qu’il ne reviendroit pas. Lorsqu’il se trouva en état de changer d’air, il alla le prendre à Clichy. Mme de Bouillon l’y alla voir de bonne heure le mercredi 20 juin. En entrant dans sa chambre elle se trouva si mal et si subitement, qu’elle tomba à ses pieds et y mourut à l’instant même. Elle avoit eu deux ou trois attaques d’apoplexie si légères qu’elles furent traitées d’indigestion, et qu’elle ne prit aucune sorte de précaution. Elle avoit soixante-huit ans, et on voyoit encore en elle de la beauté et mille agréments. Cet épouvantable spectacle fut regardé de tout le monde comme une amende honorable à son mari de sa conduite, dont elle ne s’étoit jamais contrainte un moment, au point qu’elle ne voyoit que très peu de femmes qui n’avoient rien à perdre, mais la meilleure et la plus florissante compagnie en hommes, dont sa maison, d’où elle ne sortoit guère, étoit le rendez-vous, avec grand jeu et grande chère. Mais sur la fin elle étoit devenue avare, et avoit éclairci sa compagnie par son humeur, sa mauvaise chère, et se faire donner à souper partout où elle pouvoit.

Elle avoit été mariée en 1662, et elle étoit la dernière des nièces du cardinal Mazarin, mort 9 mars 1661, au château de Vincennes, où il s’étoit fait porter. Elle étoit née à Rome en 1646, de Michel-Laurent Mancini, mort en 1657, et d’une sœur du cardinal Mazarin, mariée en 1634, et morte en 1656. Ces Mancini ne sont connus depuis 1380 que par des contrats d’acquisitions et de vente du prix de quarante ou cinquante florins, et des dots de quarante et cinquante ducats jusque très tard. Jamais aucun emploi de nulle sorte, jamais ni fiefs ni terre, jamais une alliance qui se puisse nommer, ni active ni passive. On trouve vers 1530 une Jacqueline Mancini, mariée à Jean-Paul Orsini ; mais ce