Le chancelier fit alors un événement qui n’avoit point encore eu de semblable et qui surprit étrangement, on pourroit ajouter funestement. Toute sa vie il avoit formé le dessein de mettre un intervalle entre la vie et la mort, souvent il me l’avoit dit. Sa femme l’avoit empêché bien des fois de se retirer avant qu’il fût chancelier, elle le retint encore depuis, et en mourant elle lui fit promettre que, s’il vouloit enfin se retirer, il demeureroit encore six semaines à y penser. Dès qu’il alla après sa mort à l’institution des pères de l’Oratoire, dans un petit appartement qu’il y avoit, où il se retiroit les bonnes fêtes, il songea à exécuter son dessein, et il y prit secrètement toutes ses mesures.
Elles ne purent être si cachées qu’elles ne transpirassent dans sa famille. La Vrillière, qui en fut alarmé, m’en avertit ; nous consultâmes le premier écuyer lui et moi ; ils me pressèrent de lui parler sur les inconvénients de cette retraite pour lui-même, et pour son fils si détesté qu’il laisseroit par là à découvert. J’eus beau dire, je ne gagnai rien.
Il attendit son terme, et il parla au roi, dont la surprise fut extrême. Il ne croyoit pas qu’un chancelier pût se démettre, et il est vrai qu’il n’y en avoit point d’exemple. Quoique l’aversion que Mme de Maintenon avoit conçue pour lui, qui, depuis la mort de sa femme qu’elle avoit toujours aimée et considérée, n’eut plus de contre-poids ; que cette haine et l’opinion que le roi avoit prise de longue main du