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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/117

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jansénisme du chancelier, l’eût fort changé à son égard ; l’habitude et l’ancien goût qu’il avoit pour lui ne laissoient pas de prévaloir, et de se faire sentir dans toute leur étendue quand il fut question d’une véritable séparation. Le roi n’oublia rien pour le retenir par ses raisons et par tout ce qu’il y put ajouter de tendre, et qui marquoit le plus son estime ; il le trouva ferme et déterminé. Le roi se rabattit à lui demander quinze jours pour y penser encore. Ce terme finit avec le mois de juin ; le chancelier retourna à la charge, et obtint enfin, quoiqu’à grand’peine, la liberté après laquelle il soupiroit, et dont il a fait un si courageux et si saint usage.

La netteté de son esprit, l’agrément de ses manières, la justesse et la précision de ses raisonnements toujours courts, lumineux, décisifs, surtout son antipode de pédanterie, et cet alliage qu’il savoit faire avec tant de mesure et de légèreté du respect avec la liberté, du sérieux avec la fine plaisanterie qui étoit en lui des traits vifs et perçants, plaisoit toujours infiniment au roi, qui d’ailleurs étoit peiné que tout homme qui l’approchoit le quittât.

Le bruit de l’événement qui se préparoit ne bourdonna que quatre ou cinq jours avant l’exécution, et d’une manière encore fort douteuse. Le dimanche 1er juillet, le chancelier resta seul assez longtemps avec le roi après que les autres ministres furent sortis du conseil d’État, et ce fut là où, malgré les derniers efforts du roi, le chancelier arracha son congé. Le roi, fort attendri, lui fit donner parole de le venir voir de temps en temps par les derrières. En entrant, en sortant, ni pendant le conseil, à ce que dirent après les autres ministres, il ne parut quoi que ce soit sur le visage ni dans les manières du chancelier, et la plupart de la cour étoit encore dans l’incertitude.

Le lendemain lundi, 2 juillet, comme le roi fut rentré chez lui après sa messe ; on vit arriver le chancelier en chaise, à la porte du petit salon d’entre l’appartement du