Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/121

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ingénu qu’il prenoit si souvent, il n’y a aucunes nouvelles ; le roi s’amuse à habiller sa poupée. » L’éclat de rire prit aux assistants qui entendirent bien ce qu’il vouloit dire, et lui en sourit aussi malignement, et gagna la porte.

L’électeur de Bavière vint courre le cerf à Marly, et vit le roi avec tout le monde à la chasse. Il joua après dans le salon jusqu’à minuit. Le roi, au sortir de son souper, entra, contre sa coutume, dans le salon, s’approcha de l’électeur, et le vit jouer quelques moments. L’électeur alla faire media noche chez d’Antin, avec Mme la Duchesse et grande compagnie, puis retourna à Saint-Cloud. Il y fit deux autres chasses de même, sans voir le roi en particulier ni ailleurs qu’à la chasse.

On sut en même temps que le roi Stanislas, après avoir fort longtemps erré et ne sachant où se retirer, étoit enfin arrivé aux Deux-Ponts avec quatre officiers seulement du régiment du baron Spaar. Ce duché, qui a un beau château logeable et meublé, appartenoit au roi de Suède, qui l’avoit fait recevoir là en asile.

On apprit en même temps une nouvelle plus intéressante, l’arrivée au Port-Louis de la flotte des Indes orientales, riche de dix millions en marchandises.

Le roi donna mille écus d’augmentation de pension à Mme de Saint-Géran ; et choisit Fagon, maître des requêtes, fils de son premier médecin, pour la charge d’intendant des finances qu’avoit du Buisson, qui l’avoit très dignement remplie, mais devenu trop vieux pour en pouvoir continuer les fonctions. Ce fut une grande distinction pour Fagon à son âge, et qui n’avoit point été intendant de province. Il parut depuis homme de beaucoup d’esprit et de capacité, et figura grandement dans les finances.

Brassac épousa la fille du feu maréchal de Tourville, qui fut quelque temps après dame de Mme la duchesse de Berry. Personne n’avoit été plus singulièrement ni plus délicatement jolie, avec une taille charmante qui y répondoit. La