Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/129

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particulier. Je répondis le plus civilement qu’il me fut possible à l’abondance qu’il me prodigua. J’attendois ensuite quelque chose qui méritât l’heure et le lieu ; ma surprise fut grande de n’y trouver que du vide, et seulement pour raison que cette première entrevue devoit être secrète, après laquelle il n’y auroit plus d’inconvénient qu’il vînt quelquefois chez moi à Versailles, et serrer les visites, après qu’on se seroit accoutumé à l’y voir quelquefois, et me priant de n’aller point chez lui à Paris de longtemps, où il se trouvoit toujours trop de monde. Ce tête-à-tête ne dura guère plus de demi-heure. C’étoit beaucoup encore pour ce qu’il s’y passoit. Nous nous séparâmes en grande politesse, et dès la première fois qu’il alla à Versailles, il vint chez moi sur la fin de la matinée.

Il ne fut pas longtemps sans y venir ainsi tous les dimanches. Nos conversations peu à peu devinrent plus sérieuses. Je ne laissois pas d’être en garde, mais je le promenois sur plusieurs sujets, et lui s’y prêtoit très volontiers.

Nous raisonnions et nous étions sur ce pied-là ensemble, lorsque, rentrant chez moi à Marly sur la fin de la matinée du dimanche 29 juillet, je trouvai un laquais de Maisons avec un billet par lequel il me conjuroit, toutes affaires cessantes, de venir sur-le-champ chez lui à Paris où il m’attendroit seul, et où je verrois qu’il s’agissoit de chose qui ne pouvoit souffrir le moindre retardement, qui ne se pouvoit même désigner par écrit, et qui étoit de la plus extrême importance. Il y avoit longtemps que ce laquais étoit arrivé, et qu’il me faisoit chercher partout par mes gens. Mme de Saint-Simon étoit à Versailles avec Mme la duchesse de Berry, qui venoit souper les soirs avec le roi sans coucher encore à Marly, et je devois dîner chez M. et Mme de Lauzun. Y manquer auroit mis la curiosité et la malignité de M. de Lauzun en besogne : je n’osois donc pas disparaître. Je donnai ordre à ma voiture ; dès que j’eus dîné je m’éclipsai. Personne ne me vit monter en chaise ; j’arrivai fort diligemment