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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/128

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n’avançant pas à son gré par M. le duc d’Orléans, étoit bien au fait de moi, et qu’il avoit bien compris que je ne résisterois pas au duc de Beauvilliers si celui-ci entreprenoit de former la liaison, et ne voulût pas être éconduit ; aussi ne le fut-il pas, mais après être demeuré sur la défensive avec M. le duc d’Orléans, je ne voulus pas lui montrer que je rendois les armes à un autre.

L’attente ne fut pas longue. Ce prince m’attaqua de nouveau, me maintint que rien ne seroit plus utile pour lui qu’une liaison de Maisons avec moi, qui n’osoit le voir que rarement et comme à la dérobée, et avec qui il ne pouvoit avoir le même loisir ni la même liberté de discuter bien des choses qui pouvoient se présenter. J’avois d’autres fois répondu à tout cela, mais comme j’avois résolu de me rendre à lui depuis que l’autorité du duc de Beauvilliers m’avoit vaincu, je consentis à ce que le prince voulut.

Maisons en fut bientôt informé. Il ne voulut pas laisser refroidir la résolution. M. le duc d’Orléans me pressa d’aller coucher une nuit à Paris. En y arrivant j’y trouvai un billet de Maisons, qui m’avoit déjà fait dire merveilles par le prince et par le duc. Ce billet, pour les raisons qu’il réservoit à me dire, contenoit un rendez-vous à onze heures du soir, ce jour-là même, derrière les Invalides, dans la plaine, avec un air fort mystérieux. J’y fus avec un vieux cocher de ma mère et un laquais, pour dépayser mes gens. Il faisoit un peu de lune. Maisons en mince équipage m’attendoit. Nous nous rencontrâmes bientôt. Il monta dans mon carrosse. Je n’ai jamais compris le mystère de ce rendez-vous. Il n’y fut question que d’avances, de compliments, de protestations, de souvenirs des anciennes liaisons de nos pères, et de tout ce que peut dire un homme d’esprit et du monde qui veut former une liaison étroite ; du reste de propos généreux, de louanges et d’attachement pour M. le duc d’Orléans et pour M. de Beauvilliers, sur la situation présente de la cour, en un mot toutes choses qui n’alloient à rien d’important ni de