Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/167

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plus qu’à tout au malaise de refuser opiniâtrement les désirs opiniâtrés de ce qu’on aime, de qui on veut être aimé, et avec qui on passe uniquement les particuliers les plus libres.

Ces considérations, la dernière surtout, les conduisirent à d’autres. Il ne s’agissoit plus ici de charges, de gouvernements, de survivances, encore moins d’honneurs, de distinction de rangs. L’affection avoit facilité les premiers ; la superbe, aidée de leurs artifices, avoit arraché peu à peu les autres. Ils se souvenoient avec terreur de ce qui s’étoit passé sur le rang donné aux enfants de M. du Maine, et de combien près ils avoient frisé l’affront de se le voir révoquer sitôt après l’avoir emporté. Toutes ces choses étoient épuisées parce qu’elles étoient au comble. Les ducs, les rangs étrangers, les maréchaux de France, les ambassadeurs même et les cardinaux, en avoient été cruellement blessés, mais ce n’avoit pas été de quoi les arrêter, et le roi, malgré ses répugnances tant de fois marquées, s’étoit enfin laissé forcer la main à tous ces égards.

Ce qu’ils vouloient maintenant étoit tout autre chose. Devenir par être ce que par être on ne peut devenir ; d’une créature quoique couronnée en faire un créateur ; attaquer les princes du sang dans leur droit le plus sublime et le plus distinctif de toutes les races des hommes ; introduire le plus tyrannique, le plus inouï, le plus pernicieux de tous les droits : anéantir les lois les plus antiques et les plus saintes ; se jouer de la couronne ; fouler aux pieds toute la nation : enfin persuader cet épouvantable ouvrage à faire à un homme qui ne peut commander à la nature, et faire que ce qui n’est pas, soit ; au chef de cette race unique, et tellement intéressé à en protéger le droit qu’il n’est roi qu’à ce titre, ni ses enfants après lui, et à ce roi de la nation la plus attachée et la plus soumise ; de la déshonorer et d’en renverser tout ce qu’elle a de plus sacré, pour possiblement couronner un double adultère, qu’il a le premier tiré du