Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/202

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pas le moins du monde en contrainte avec moi sur toute espèce de confiance, comme on l’a pu voir par tant de choses qui ont été racontées, mais ils s’ouvrirent toujours à moi sur leur attachement à M. de Cambrai, et à ceux qui tenoient à lui par les mêmes liens, et sur tout ce qui les regardoit.

Ils me parlèrent donc franchement après la mort du Dauphin, pour m’engager à lui être favorable auprès de M. le duc d’Orléans, pour le rappeler, et l’employer grandement à la mort du roi ; ils voyoient bien que ce prince mèneroit aisément M. le duc de Berry, sur lequel ils n’avoient pas lieu de compter avoir grand crédit, comme il a été remarqué ailleurs, et qui ne se soucioit de son précepteur en nulle sorte ; je ne m’en souciois pas intérieurement davantage, mais je ne pouvois rien refuser à M. de Beauvilliers. Je m’engageai donc à lui et à M. de Chevreuse, et j’eus d’autant moins de peine à réussir, que M. le duc d’Orléans étoit naturellement porté d’estime et d’inclination pour Fénelon. Cette espérance fondée que je leur donnai les combla. Par les discours du duc de Chevreuse, je compris qu’il l’informoit de ce qu’il se passoit à son égard. Je le dis au duc, qui me l’avoua et qui m’en parla depuis ouvertement, jusqu’à me dire franchement que l’archevêque, certain de ce que je faisois pour lui, ne laissoit pas de me craindre. Cela me revint encore par d’autres endroits.

Je ne le connoissois que de visage ; trop jeune quand il fut exilé, je ne l’avois pas vu depuis. Ainsi il ne pouvoit aussi me connoître que par autrui, et à la façon dont j’étois avec les deux ducs, et à ce que je voyois librement de cette faciende [1] à Vaucresson, il ne pouvoit lui être revenu rien qui lui inspirât cette frayeur. Mais accoutumé comme il étoit à régner à la divine sur son royal pupille, sur les deux ducs, sur tout ce petit troupeau, il craignoit de ne régner pas de

  1. Cabale.