Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/220

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fort opposés, ou pour le moins parfaitement indifférents ; encore avois-je lieu de ne pas m’en croire quitte à si bon marché avec pas un, jusqu’au successeur de M. de Beauvilliers, comme on l’a vu épars en plusieurs endroits ; en dernier lieu même nous étions demeurés assez mal ensemble depuis les belles prétentions des maréchaux de France, lors de l’affaire du duc d’Estrées et du comte d’Harcourt, qu’il avoit fort soutenues, et sur lesquelles je m’étois espacé sur lui sans ménagement.

On comprend assez que c’est le maréchal de Villeroy dont j’entends parler ; il venoit d’obtenir l’archevêché de Lyon pour son fils, et commandement dans tout le gouvernement, comme l’archevêque son grand-oncle, malgré ses mœurs et son ignorance, l’un et l’autre parfaitement connus. À peine la place de chef du conseil des finances fut-elle vacante que le roi lui manda, à Lyon où il étoit encore, qu’il la lui donnoit. Outre la façon dont nous étions ensemble, c’étoit encore un homme vendu à Mme de Maintenon, et par conséquent au moins pour lors au duc du Maine. Tallard, Tessé, d’autres courtisans importants, nous avions toujours marché sous différentes enseignes, et quoique Harcourt m’eût souvent rapproché, ce que j’étois au duc de Beauvilliers m’avoit empêché de m’y jamais prêter au delà de la simple et indispensable bienséance.

En un mot je ne tenois plus à personne ; Charost, malgré sa charge, n’étoit rien, et Noailles avec tous ses dehors, et le cancer interne de sa disgrâce couverte, avoit plus besoin de moi pour le futur, que moi de lui pour le présent. J’avois donc sans nul appui le ministère et l’intérieur du roi contre moi, et dans la cour force piques baissées sur moi par la peur et la jalousie qu’on avoit prise, et sur l’idée encore d’un avenir peu éloigné par la régence de M. le duc d’Orléans.

La liaison entre lui et moi étoit de toute notre vie ; on n’ignoroit plus que sa séparation d’avec Mme d’Argenton, son