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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/27

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Saintrailles mourut, qui étoit vieux et à M. le Duc dont j’ai eu occasion de parler lors de la mort de M. le Duc, gendre du roi. C’étoit un homme d’honneur et de valeur, le meilleur joueur de trictrac de son temps, et qui possédoit aussi tous les autres [jeux] sans en faire métier. Il avoit l’air important ; le propos moral et sententieux, avare et avoit accoutumé à des manières impertinentes tous les princes du sang et leurs amis particuliers qui étoient devenus les siens. Il n’étoit ni Poton ni Saintrailles, mais un très petit gentilhomme et point marié. Il n’avoit qu’une nièce, fort jolie et sage, fille d’honneur de Mme la Duchesse. Lorsqu’elle n’en eut plus, elle demeura auprès de Mme la Princesse. Le marquis de Lanques, de la maison de Choiseul, en devint si amoureux qu’il la voulut épouser. Il étoit capitaine dans Bourbon, fut blessé pendant la campagne, revint mourant à Paris, se fit porter à Saint-Sulpice, où il l’épousa ; et mourut deux jours après. Saintrailles lui donna tout son bien, avec lequel elle épousa M. d’Illiers.

On apprit par les lettres de la Martinique que Phélypeaux y étoit mort. C’étoit un homme très extraordinaire, avec infiniment d’esprit, de lecture, d’éloquence et de grâce naturelle ; fort bien fait, point marié, qui n’avoit rien, avare quand il pouvoit, mais honorable et ambitieux, qui n’ignoroit pas qui il étoit, mais qui s’échafaudoit sur son mérite et sur le ministère ; poli, fort l’air du monde et d’excellente compagnie, mais particulier, avec beaucoup d’humeur, et un goût exquis en bonne chère, en meubles et en tout. Il étoit lieutenant général, fort paresseux et plus propre aux emplois du cabinet qu’à la guerre. Il avoit été auprès de l’électeur de Cologne, puis ambassadeur à Turin, et fort mal traité à la rupture, dont il donna une relation à son retour, également exacte, piquante et bien écrite, à l’occasion de quoi j’ai eu lieu de parler de lui. Il fut conseiller d’État d’épée à son retour ; mais, après cet écrit où M. de Savoie étoit cruellement traité, et les propos que Phélypeaux