Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/319

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De là ils vinrent à prétendre que les édits, etc., ne leur étoient pas simplement envoyés pour être rendus notoires, pour que chacun les connût et les observât, et pour que le parlement même y conformât ses jugements. Ils osèrent prétendre un pouvoir concurrent, et prépondérant à celui du roi dans l’effet des édits, ordonnances, déclarations, lettres patentes, etc., qui leur étoient portées à enregistrer, d’où ils changèrent ce terme dans l’usage de parler en celui de vérifier, et celui d'enregistrement en vérification, parce que le parlement ne feignit plus de prétendre que ce n’étoit que par l’autorité de leur enregistrement que ces lois pouvoient avoir lieu, sans quoi elles demeuroient inutiles, caduques et sans exécution, tellement que c’étoient eux qui par leur enregistrement les rendoient vraies lois, et, les rendant telles, les rendoient vraies et effectives, par conséquent les vérifioient et en rendoient l’exécution nécessaire, et en mettoient l’inobservation sous les peines de droit, qui sans cela ne seroit sujette à aucune peine, et la désobéissance permise et soutenue comme à chose non intervenue ni arrivée. Les édits bursaux forent d’un grand usage au parlement pour établir cette autorité. En les refusant, ils s’acquirent les peuples, qui trouvèrent une protection contre les impôts ; ils s’assurèrent les envieux des favoris et des ministres, ils se dévouèrent les ambitieux qui voulurent brouiller l’État et faire compter avec eux.

Quoique les rois se soient toujours écriés contre ce prétendu concours de puissance, les temps fâcheux la leur ont fait essuyer presque continuellement dans le fait, et tout est plein dans les histoires de cette lutte où les rois ne demeuroient vainqueurs que par adresse, par manège, et souvent en gagnant les plus accrédités du parlement par des grâces pécuniaires.

Cette nouvelle puissance, si hardiment usurpée, quoique sans être consentie, mit les rois en brassière avec l’appui de tout ce qui craignoit l’abus des favoris et des ministres,