Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/324

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à la première inspection des choses, si contraire à l’intérêt des régents et des plus puissants de l’État, est-il demeuré loi constante jusqu’à cette heure, et les deux testaments si sages, si prévoyants, si justes, l’un du même Charles V, l’autre de Louis XIII, n’ont eu aucune exécution.

La reine, dont l’ambition fut excitée par ceux dont l’intérêt étoit qu’elle fût pleinement maîtresse pour être eux-mêmes les maîtres sous son nom, [se laissa persuader] d’imiter Marie de Médicis d’autant plus aisément que le parlement étoit informé des dispositions du roi pour la régence, puisqu’il en avoit donné lecture à ses principaux membres ; que s’agissant de dépouiller Monsieur, M. le Prince, et ceux qui étoient nommés au conseil de régence, pour se revêtir seule de leur autorité, elle ne le pouvoit espérer qu’en flattant le parlement, dont les membres étoient bien plus indépendants de tout intérêt avec ces princes et ces ministres que les grands de l’État, et par un accablement de nombre en voix de gens qui espéreroient plus de grâces d’elle que du concours du conseil, et dont aucun n’étoit en posture de les arracher comme les grands du royaume par leur réputation, leurs alliances et leurs emplois. Ce fut ce qui la détermina d’aller faire déclarer sa régence au parlement, où en effet elle fut revêtue seule de toute l’autorité royale par la pusillanimité des deux princes, à l’exemple desquels ceux du conseil de régence n’osèrent se refuser.

Le parlement, dans la suite et dans les troubles de cette régence, sut bien profiter de son avantage aux dépens de l’État et de l’autorité royale, que Louis XIV eut grand’peine à reprendre, et à remettre le parlement dans ses bornes, qu’il y a bien su contenir après tant qu’il a vécu, jusqu’à être allé une fois en habit gris tenir son lit de justice avec une houssine à la main, dont il menaça le parlement, en lui parlant en termes répondant à ce geste [1].

  1. Voy., notes à la fin du volume.