Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/371

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les voit ici, auroit osé imaginer de se parangonner [1] aux pairs, de précéder les pairs nés successibles de droit à la couronne, d’opiner devant une reine régente en lit de justice, malgré la différence immense du lieu et de la posture d’opiner, de parler aux pairs en public comme on ne parle même plus aux valets d’autrui, de n’oublier rien pour les égaler en tout aux légistes et pour oser se former un trône, l’un fort élevé, l’autre sous une sorte de pavillon royal, et de là voir en places communes les pairs, les princes du sang et les fils de France, et que les entreprises se souffrent depuis tant d’années, et s’augmentent encore au gré de l’orgueil et de l’industrie ? Enfin, qui de ces légistes si parvenus au point où on les voit arriver à cette cause, eût pu croire qu’il fût tombé dans l’esprit de leurs successeurs de s’ériger en tuteurs des rois mineurs, en modérateurs des rois majeurs, dont l’autorité a besoin de la leur jusqu’à demeurer inutile et sans effet sans son concours, et prétendre faire d’une simple cour de justice le premier corps de l’État, ayant tout pouvoir par soi sur tous les grands actes concernant le royaume ? On a déjà vu la plupart de ces usurpations monstrueuses, dont on a tellement abrégé tout ce qui pouvoit l’être sans en affaiblir la lumière que la récapitulation en seroit presque aussi longue que l’a été le récit, si on ne se contentoit de ce peu de lignes. Venons, en attendant des détails qui seront fournis par la régence de M. le duc d’Orléans, à cette prétention si moderne d’être le premier corps de l’État, et qui est telle qu’il n’est point de nom qu’on puisse lui donner.

Le nom de parlement a été d’un grand usage pour éblouir. Les ignorants qui font plus que jamais le très grand nombre dans tous les États ; la magistrature et ses suppôts, qui composent un peuple entier, dont l’intérêt n’a cessé de donner cours aux idées les plus absurdes ; les gens faibles et

  1. De s’égaler.