Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/379

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contre Mme de Beaujeu, qui, sans nul concours du parlement, en étoit et en demeura en possession. Tel est le droit constant. Voici l’usage :

On a vu celui qui a toujours subsisté jusqu’à aujourd’hui que le premier président et tous les magistrats du parlement ne parlent qu’à genoux et découverts dans le parlement même, lorsque le roi y est présent, et que si depuis un temps ils parlent debout, mais toujours découverts, ils commencent tous à genoux, ne se lèvent qu’au commandement du roi, par la bouche du chancelier, et concluent leurs discours à genoux, pour marquer que cette bonté du roi de les faire parler debout ne déroge en rien à l’essence du tiers état, dont ils sont, de parler à genoux en présence du roi et découverts, à la différence des deux premiers ordres, qui parlent assis et couverts.

On a vu aussi que le chancelier, second officier de la couronne et chef de la justice, n’a pu, malgré cet éclat, déposer sa nature originelle de légiste. Il est aux bas sièges, il ne parle au roi qu’à genoux : voilà le légiste. Quand il parle de sa place il est assis et couvert : voilà l’officier de la couronne. Il est le seul de ce caractère qui n’ait pas du roi le traitement de cousin, et voilà le légiste ; tandis que tous les autres, et les maréchaux de France venus du plus bas lieu, comme on a vu plusieurs, devenus nobles par leurs fonctions militaires, de roturiers et du tiers état qu’ils étoient nés, ont comme leurs autres confrères le traitement de cousin et néanmoins cèdent au chancelier, qui a un rang fort distingué comme officier de la couronne. Il est donc évident que rien ne peut dénaturer le légiste ni le tirer du tiers état, puisque, si quelque chose le pouvoit, ce seroit sans doute le second office de la couronne, chef suprême de la justice, et le supérieur né de tous magistrats. On voit néanmoins en lui toute la distinction de son office et toute sa nature de légiste parfaitement distinguées, et ce qui lui reste de légiste ne l’être en rien du tiers état.