Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/383

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

places se donnoient à des gens de qualité, même à des maréchaux de France. Mais ces messieurs entroient au parlement comme autrefois les ecclésiastiques et les nobles dans ces parlements tenus en divers temps de l’année, sans degrés, sans examen, sans quoi que ce soit qui sentit le légiste, comme font encore les pairs. C’étoit un honneur pour le parlement, et une distinction pour ces seigneurs, qui, comme les pairs après eux, mais personnellement et dans un seul parlement, avoient voix et séance, sans pouvoir être dits être du parlement, puisqu’ils n’avoient point d’office que la nomination du roi. Mais cet argument, tout faux qu’il est, est maintenant tombé, puisqu’il y a tant d’années qu’aucun noble n’a obtenu de ces places de conseillers d’honneur, qui sont devenues la récompense de magistrats recommandables par leur mérite, leur ancienneté ou leur faveur, tellement qu’elles ne sont plus remplies que par des légistes. On voit donc l’absurdité de cette représentation des trois ordres du royaume dans le parlement, et d’en faire membres, comme les légistes qui, à titre de degrés aux lois et d’argent y sont pourvus d’office, les pairs, les gouverneurs de province, les évêques diocésains, qui entrent les premiers dans tous les parlements du royaume, et les autres dans celui de leur province ou de leur ville épiscopale, comme le chancelier de France qui préside à tous, enfin comme les maîtres des requêtes pour ne rien oublier, qui tous les jours y peuvent aller juger quatre à la fois.

À la suite de ce raisonnement qui paroît clair et sensible, on doit être surpris de la pensée d’une simple cour de justice, qui, toute majestueuse qu’elle soit devenue, n’est toutefois que cela, de prétendre devenir le premier corps de l’État. Si [elle] l’étoit, et dans son plus grand lustre, qui est lorsque le roi, accompagné de tout ce qu’il y a de plus grand dans l’État, l’honore de sa présence, ce corps entier qui ne parle que découvert et à genoux aux pieds des pairs et des officiers de la couronne qui parlent assis et couverts, comment