Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/384

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tous les autres corps du royaume pourroient-ils paroître devant le roi ? Il n’y a plus que le prosternement et le visage contre terre qui pût être leur posture, avec ce silence profond des Orientaux d’aujourd’hui. En vérité, le premier corps de l’État, en même temps partie intégrante, essentielle, membre de tous les temps jusqu’à aujourd’hui du tiers état, sont deux extrémités par trop incompatibles.

Que le parlement se dise le premier de tous les corps qui tous ensemble composent le tiers état, aucun de ceux des deux premiers ordres ne prendra, je crois, le soin de le contester ; ce sera alors à cette compagnie à voir comment le grand conseil [1], qui lui dispute la préséance, trouvera cette proposition et le conseil privé [2] qui casse ses arrêts, dont les conseillers, qui sont connus sous le nom de conseillers d’État, le disputent partout aux présidents à mortier, et leur doyen au premier président, et dont les maîtres des requêtes qui n’y sont jamais assis, viennent quand il leur plaît, à titre unique de maîtres des requêtes, s’asseoir et juger à la grand’chambre, et y précéder le doyen du parlement.

Enfin, un premier corps de l’État, n’être de nature et d’effet que des gens du tiers état revêtus d’office de pure judicature pour leur argent et comme légistes, pour juger uniquement les causes des particuliers, et sans compétence par eux-mêmes pour les grandes sanctions de l’État et le jugement des causes majeures, c’est un paradoxe que tout l’art et le pouvoir ne sauroit persuader.

Après une digression si étendue mais si nécessaire pour l’intelligence de l’affaire qu’on va raconter et pour beau coup d’autres suites qui se retrouveront dans le cours des années de la régence, il est temps de revenir à ce qui y a donné lieu. On se souviendra donc ici de ce qui a été expliqué

  1. Voy., sur le grand conseil, t. III, p. 98, note.
  2. Le conseil prive est le même que le conseil des parties dont il a été question, t. Ier, p. 446.