Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/391

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il lui dit que M. du Maine lui avoit parlé de l’affaire du bonnet ; que, pourvu que la chose se passât de concert, il ne demandoit pas mieux que d’ôter ce scandale qu’il trouvoit insoutenable (ce fut son expression), et qu’il seroit fort aise de faire ce plaisir aux ducs. Là étoit la pierre d’achoppement, et dès lors j’eus de plus en plus mauvaise opinion du succès. Je ne fus pas seul de mon avis. M. d’Harcourt craignit, comme moi, l’échappatoire préparée dans ce mot « de concert. » D’Antin lui-même ne savoit trop qu’en penser. MM. de Noailles et d’Aumont étoient, ou vouloient paroître convaincus de la droiture et des bonnes intentions de M. du Maine et du premier président. Mais l’embarquement n’avoit pu s’éviter : il étoit fait ; il ne s’agissoit plus que de voguer avec toute la prudence qui s’y pouvoit mettre.

M. du Maine, conducteur de la barque, voulut que les ducs présentassent un court mémoire au roi, pour servir, disoit-il, de base au jugement. Le premier président le désira aussi. Il fallut donc en passer par là. J’en craignis le piège, Harcourt le sentit aussi ; nous en raisonnâmes sans trouver moyen de le parer. Tout ce qu’il se put de précaution y fut employé. D’Antin en fut chargé. Il le fit d’une page de papier à lettre, sage, honnête, mesuré en choses et en termes pour le parlement et le premier président. Il le montra à M. du Maine, qui le loua et l’approuva. Il le lut au roi, qui l’assura qu’il le trouvoit très bien et [sans] quoi que ce soit à y reprendre. Il l’envoya au premier président, avec un billet, par lequel il le prioit de le corriger, s’il y trouvoit, contre son intention, quelque chose qui lui parût le mériter, et de lui renvoyer après, pour qu’il le présentât au roi. Il paroît donc que toutes sortes de précautions étoient prises, puisque, après l’approbation de M. du Maine et celle du roi, il étoit encore envoyé à l’examen du premier président, et soumis à sa correction. Deux jours après, le premier président le renvoya à d’Antin, mais sans lettre ; et d’Antin le remit au roi, en lui rendant compte du renvoi que lui en