Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/396

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Jusqu’alors le secret entier avoit été si exactement gardé, qu’il y a lieu de s’étonner qu’il eût duré six semaines parmi tant de personnes, sans qu’il en eût transpiré quoi que ce fût. À quatre jours de là, il éclata par les plaintes que les magistrats faisoient à Paris, et qui revinrent à Marly, du mémoire qui leur avoit été communiqué. Le premier président avoit assemblé chez lui les présidents à mortier Novion, Maisons, Aligre, Lamoignon et Portail, le doyen du parlement Le Nain, et les conseillers Dreux, Le Ferron, Ferrand, laïques, Le Meusnier, Robert et de Vienne, clercs. Ils voulurent trouver dans les premières lignes du mémoire un souvenir malin des troubles de la minorité du roi ; ils s’en montrèrent extrêmement blessés, et ne trouvèrent rien de propre à les calmer dans les expressions du premier président. Ce fut lui qui s’éleva le premier sur le mémoire, qui excita les autres, et qui tâcha de rendre le mécontentement contagieux dans le parlement.

D’Antin lui en écrivit sa surprise et ses plaintes par une lettre très mesurée qu’il communiqua auparavant à quelques ducs. Il le somma sur leur parole réciproque, donnée en présence du duc de Noailles : lui, de lui envoyer le mémoire avant de le présenter au roi, ce qu’il avoit exécuté, le premier président, d’y remarquer et d’y corriger même ce qu’il voudroit, et lui renvoyer ainsi, s’il y trouvoit quelque chose qui le méritât ; parole qu’il n’avoit pas tenue, puisqu’il le lui avoit renvoyé sans remarque ni correction, et s’en plaignoit si amèrement après. Il ajoutoit que sa conduite n’étoit pas celle de gens qui eussent dessein d’offenser, puisqu’il avoit remis ce mémoire à leur censure avant de s’en servir ; et il finissoit par expliquer l’endroit dont ils se plaignoient d’une manière sans réplique, parce qu’en effet il y falloit donner d’étranges contorsions pour y entendre ce que d’Antin n’avoit jamais pensé à y mettre. Il ne s’y agissoit en effet que de l’intérêt de la maison de Guise, et du duc de Guise qui, pour s’acquérir le parlement pendant la