Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/431

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grande porte de la chapelle. Le lendemain dimanche, je le fis guetter au sortir de la chapelle. Jamais les fêtes et dimanches il n’y manquoit grand’messe, vêpres et le salut, et toutefois sa piété ne trompoit personne. Il alloit souvent à complies, à la prière, au sermon toujours quand il y en avoit, et au salut les jeudis.

Dès que je fus averti, je descendis chez lui. Je le trouvai seul dans son cabinet, qui me reçut l’air ouvert, de la manière du monde la plus polie et la plus aisée. Je n’ouvris la bouche qu’après que je fus assis dans mon fauteuil, et M. du Maine dans le sien. Alors, d’un air fort sérieux, je lui dis ce que j’avois appris. M. du Maine blâma Mme la Princesse, tomba sur elle, s’excusa, s’affligea. Je l’interrompis pour lui nommer seulement et gravement le premier président. M. du Maine voulut un peu l’excuser, et promptement ajouta qu’il ne falloit point désespérer de l’affaire ni la regarder comme finie ; que pour lui il ne cesseroit d’y travailler, et qu’il ne seroit jamais content qu’il n’en fût venu à bout. Sans m’émouvoir je l’écoutai, puis lui dis toutes les impostures du premier président au roi contre les ducs, que le roi avoit rendues sur-le-champ à d’Antin, avec permission de nous les dire, duquel je les savois ; et delà je traitai le premier président sans mesure, mais sans colère, avec un simple air du plus profond mépris et de l’horreur de sa scélératesse. Ce n’étoit pas que je comptasse lui rien apprendre, mais lui montrer que je n’ignorois rien ; et tout de suite le regardant fixement entre deux yeux : « C’est vous, monsieur, continuai-je, qui nous avez engagés malgré nous dans cette affaire ; c’est vous qui nous avez répondu du roi, du premier président, et par lui du parlement ; c’est vous qui nous avez répondu de Mme la Princesse ; c’est vous qui la faites intervenir maintenant, après avoir fait jouer au premier président un si indigne personnage ; enfin, c’est vous, monsieur, qui nous avez manqué de parole, et qui nous rendez le jouet du parlement et la risée du