Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/453

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mandement d’adieu à ses diocésains, dont le tour ne fut pas fort approuvé ; le démon en sut profiter.

Fleury, dont la science, les mœurs ni la religion n’avoit jamais fait le capital de sa vie, avoit toujours évité les questions de doctrine. Peu aimé des jésuites et lié avec la meilleure compagnie, il ne s’étoit pas contraint de blâmer l’inquisition et la tyrannie qui s’exerçoit sur le jansénisme, et avoit toujours laissé son diocèse en paix. L’idée d’être précepteur le fit changer de conduite ; il voulut ranger les écueils, et aller au-devant de tout en matière si délicate et si sûrement exclusive, tellement que les derniers six mois de son épiscopat à Fréjus ne furent employés qu’à la recherche de la doctrine, des livres, des confesseurs, et à tourmenter le peu de religieuses de son diocèse. Comme il vouloit du bruit, il en fit plus que de mal ; mais ce bruit, qui entroit si bien dans ses vues, et que ses amis surent faire valoir à la cour, retentit jusque dans les Pays-Bas et dans la retraite du fameux P. Quesnel. Il venoit d’achever son septième mémoire pour servir à l’examen de la constitution, qui n’a été imprimé qu’en 1716 [1], et il travailloit à la préface lorsque, irrité du nouveau personnage de persécuteur que Fleury venoit de prendre, il reçut le mandement de ses adieux à ses diocésains. Il ne put résister au désir de châtier le nouveau zèle de Fleury par le ridicule de cette pièce, qu’il sut enchâsser dans sa préface avec l’ironie la plus amère, la plus méprisante, et qui en effet mit en pièces ce beau mandement. Inde iræ. Fleury, avec son air doux, riant, modeste, étoit l’homme le plus superbe en dedans et le plus implacable que j’aie jamais connu. Il ne le pardonna pas au P. Quesnel ; et c’est la cause unique qui a produit en Fleury cette fureur jusqu’à lui inouïe, et qui s’est portée sans cesse aux derniers excès de cruauté et de tyrannie contre les jansénistes

  1. Voy., dans les Pièces, l’extrait du P. Quesnel sur ce prélat. (Note de Saint-Simon.)