Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/462

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primitivement le nom de bénéfices (beneficia), ou terres accordées en récompense des services. Dans l’origine, elles ne donnoient pas à ceux qui les obtenoient les droits de souveraineté, c’est-à-dire le droit de battre monnaie, de lever des impôts, de rendre la justice et de faire la guerre. Les rois pouvoient même enlever ces terres aux leudes qui ne remplissoient pas avec exactitude les obligations qui leur étoient imposées. Ce fut seulement par le traité d’Andelot (587) et surtout par les usurpations si fréquentes dans ces temps d’anarchie que les leudes rendirent les bénéfices inamovibles et héréditaires. Quant aux fiefs et au régime féodal, il faut arriver au IXe siècle pour en trouver l’organisation solidement établie et conférant les droits régaliens qui ont été énumérés plus haut. La plupart des historiens antérieurs à notre siècle ont confondu les bénéfices et les fiefs, comme le fait Saint-Simon dans ce passage. On doit surtout à M. Guizot d’avoir relevé cette erreur dans ses Essais sur l’histoire de France et dans son Cours de l’histoire de la civilisation en France, il a nettement marqué la distinction entre les bénéfices et les fiefs, tout en montrant que la distribution des bénéfices et les usurpations des leudes ont conduit peu à peu au régime féodal.


IV. ASSEMBLÉES DES FRANCS, DITES CHAMPS DE MARS ET CHAMPS DE MAI.


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Les assemblées des Francs n’étoient pas toujours divisées en deux chambres, pour employer les termes mêmes de Saint-Simon. Il seroit difficile de retrouver cette division dans les champs de mars des Mérovingiens ; mais, sous les Carlovingiens, les usages rappelés par Saint-Simon furent habituellement observés, comme le prouve un document du IXe siècle, conservé dans une lettre écrite en 882 par Hincmar, archevêque de Reims[1]. Voici la traduction qu’en a donnée M. Guizot :

« C’étoit l’usage du temps de Charlemagne de tenir chaque année deux assemblées : dans l’une et dans l’autre, on soumettoit à l’examen ou à la délibération des grands les articles de loi nommés capitula, que le roi lui-même avoit rédigés par l’inspiration de Dieu, ou

  1. Cette lettre forme un véritable traité sous le titre de De ordine palatii. Elle reproduit un document plus ancien composé par Adalhard, abbé de Corbie, parent et conseiller de Charlemagne.