Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/463

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dont la nécessité lui avoit été manifestée dans l’intervalle des réunions. Après avoir reçu ces communications, ils en délibéroient un, deux ou trois jours, ou plus, selon l’importance des affaires. Des messagers du palais, allant et venant, recevoient leurs questions et rapportoient leurs réponses, et aucun étranger n’approchoit du lieu de leur réunion, jusqu’à ce que le résultat de leurs délibérations pût être mis sous les yeux du grand prince, qui, alors, avec la sagesse qu’il avoit reçue de Dieu, adoptoit une résolution à laquelle tous obéissoient. Les choses se passoient ainsi pour un, deux capitulaires, ou un plus grand nombre, jusqu’à ce que, avec l’aide de Dieu, toutes les nécessités du temps eussent été réglées.

« Pendant que ces affaires se traitoient de la sorte hors de la présence du roi, le prince lui-même, au milieu de la multitude venue à l’assemblée générale, étoit occupé à recevoir les présents, saluant les hommes les plus considérables, s’entretenant avec ceux qu’il voyoit rarement, témoignant aux plus âges un intérêt affectueux, s’égayant avec les plus jeunes, et faisant ces choses et autres semblables pour les ecclésiastiques comme pour les séculiers. Cependant, si ceux qui délibéroient sur les matières soumises à leur examen en manifestoient le désir, le roi se rendoit auprès d’eux, y restoit aussi longtemps qu’ils le vouloient, et là ils lui rapportoient avec une entière familiarité ce qu’ils pensoient de toutes choses, et quelles étoient les discussions amicales qui s’étoient élevées entre eux. Je ne dois pas oublier de dire que, si le temps étoit beau, tout cela se passoit en plein air [1], sinon dans plusieurs bâtiments distincts, où ceux qui avoient à délibérer sur les propositions du roi étoient séparés de la multitude des personnes venues à l’assemblée ; et alors les hommes les moins considérables ne pouvoient entrer.

« Les lieux destinés à la réunion des seigneurs étoient divisés en deux parties, de telle sorte que les évêques, les abbés et les clercs élevés en dignité pussent se réunir sans aucun mélange de laïques. De même les comtes et les autres principaux de l’État se séparoient, dès le matin, du reste de la multitude, jusqu’à ce que, le roi présent ou absent, ils fussent tous réunis : et alors les seigneurs ci-dessus désignés, les clercs de leur côté, les laïques du leur, se rendoient dans la salle qui leur étoit assignée, et où on leur avoit fait honorablement préparer des sièges. Lorsque les seigneurs laïques et ecclésiastiques étoient ainsi séparés de la multitude, il demeuroit en leur pouvoir de siéger ensemble ou séparément, selon la nature des questions qu’ils avoient à traiter, ecclésiastiques, séculières ou mixtes. De même, s’ils vouloient faire venir quelqu’un, soit pour demander des aliments, soit pour faire quelque question, et le renvoyer après en avoir reçu ce

  1. J’ai souligné les passages qui confirment le récit de Saint-Simon.