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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/470

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sur le costume insolite du roi. Voici le passage : « Le roi fut tenir son lit de justice au parlement le 20 mars (1655), pour faire vérifier des édits. Et, parce que l’autorité royale n’étoit pas encore bien rétablie, les chambres s’assemblèrent pour revoir les édits, disant que la présence du roi avoit ôté la liberté des suffrages, et qu’il étoit nécessaire en son absence de les examiner pour voir s’ils étoient justes. La mémoire des choses passées faisoit appréhender ces assemblées, après les événements funestes qu’elles avoient causés. Cette considération obligea le roi de partir du château de Vincennes le 10 d’avril, et de venir le matin au parlement en justaucorps rouge et chapeau gris, accompagné de toute sa cour en même équipage : ce qui étoit inusité jusqu’à ce jour. Quand il fut dans son lit de justice, il défendit au parlement de s’assembler ; et après avoir dit quatre mots, il se leva et sortit, sans ouïr aucune harangue. »

Montglat, qui, en sa qualité de maître de la garde-robe, étoit parfaitement instruit du cérémonial, n’est frappé que du costume insolente du roi et de sa cour. Quant à la houssine, que d’autres ont remplacée par un fouet, il n’en dit pas un mot. Enfin un journal de cette époque, dont l’auteur est resté inconnu, complète le récit de Montglat et donne la scène entière avec toute l’étendue nécessaire pour rectifier les assertions erronées [1] :

« Le parlement, dit l’auteur anonyme [2], s’étant assemblé le vendredi 9 avril (1655) pour entendre la lecture des édits plus au long et plus attentivement qu’il n’avoit fait en présence de Sa Majesté, il n’en put apprendre la conséquence et les incommodités que tout le monde en recevroit sans horreur et sans confusion, tant ils étoient à l’oppression de tous les particuliers que d’impossible exécution [3]. M. le chancelier (Séguier) s’en défendit le mieux qu’il lui étoit possible, « pour n’en avoir eu, disoit-il, aucune communication. » M. le garde des sceaux [4] assuroit ne l’avoir vu qu’en le scellant le matin du même jour qu’il avoit été porté au parlement, et tout le conseil protestoit ingénument de n’y avoir participé en aucune façon, si bien que, pour assoupir cette grande rumeur qui alloit se répandre par toute la ville et ensuite dans toutes les provinces, si le parlement eût continué ses assemblées, le roi fut conseillé d’y retourner le mardi suivant, 13 du mois d’avril [5], afin de les dissoudre et d’en empêcher le cours une

  1. Ce journal, manuscrit, est conservé à la Bibliothèque Impériale sous le n° 1238 d (bis) ; S. F.
  2. Fol. 326, sqq.
  3. On voit, par ce passage, que l’auteur n’était pas favorable aux édits bursaux, et il n’aurait pas manqué de faire ressortir les circonstances qui auraient caractérisé la violence du gouvernement.
  4. Mathieu Molé était garde des sceaux depuis 1651.
  5. Il y a une légère différence de date avec Montglat. Le journal anonyme donne l’indication précise des jours ; ce qui ferait pencher la balancé en sa faveur.