Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/59

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trois mois après sa sœur la maréchale de La Ferté. Quelque impétueux que fut le maréchal son mari, il fut sa dupe toute sa vie ou le voulut bien paroître. On n’oubliera jamais que ce fut d’elle que se fit la planche de légitimer un bâtard sans nommer la mère, comme je l’ai raconté ailleurs, pour, sur cet exemple, légitimer ceux du roi sans nommer Mme de Montespan.

Le roi donna douze mille livres de rente en fonds d’un droit de péage en Normandie au prince Charles, fils et survivancier de M. le Grand ; et il vit une demi-heure seul dans son cabinet l’électeur de Bavière, qui y étoit monté par les derrières. Il demeuroit en une maison de Saint-Cloud, où il étoit venu de Compiègne.

Le maréchal de Villars arrivant de Rastadt le salua le 15 mars dans son cabinet à Versailles, au retour de courre le cerf à Marly. Le roi l’embrassa, le loua fort, lui donna pour son fils la survivance de son gouvernement de Provence, et à lui les entrées des premiers gentilshommes de la chambre, dont il prit possession le soir même au coucher. Ces grâces si singulièrement grandes surprirent fort la cour, et, envie à part, ne l’édifièrent pas.

En même temps le roi le nomma son premier ambassadeur plénipotentiaire pour aller à Bade, le comte du Luc pour le second, qui se trouvoit tout porté, étant ambassadeur en Suisse ; et pour troisième La Houssaye, conseiller d’État et intendant d’Alsace, qui se trouvoit aussi tout porté à Strasbourg. La surprise fut extrême du refus de La Houssaye qui ne pouvoit, disoit-il, céder au comte du Luc, qui n’étoit pas conseiller d’État ; et le scandale plus grand encore de ce que le roi ne fit qu’en rire et s’en moquer tout haut, et nomma Saint-Contest, maître des requêtes, intendant à Metz, qui en eut six mille livres de pension. Outre que le comte du Luc étoit par sa naissance un seigneur, et qu’il étoit actuellement ambassadeur, on n’avoit jamais ouï parler encore qu’en magistrat eût osé prétendre aucune compétence