Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/60

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avec un homme de qualité, ou passant pour tel. C’est donc ici l’époque où cela fut imaginé pour la première fois, et passé toute de suite. On cria ; les gens de robe eux-mêmes en furent honteux, mais il n’en fut autre chose. Ainsi la robe ose tout, usurpe tout et domine tout. Les premiers magistrats prétendent ne plus céder qu’aux ducs et aux officiers de la couronne. C’est encore une grande modestie dont il leur faut être très obligé.

Peu de jours après, le maréchal de Villars qui vouloit tout atteindre, et qui, sans avoir jamais servi l’Espagne, en avoit obtenu la Toison, reçut le collier de cet ordre à Versailles, dans l’appartement de M. le duc de Berry, des mains de ce prince, en présence de tous ceux qui avoient cet ordre en France, et qui s’y trouvèrent en collier. Le maréchal fit presque en même temps donner mille écus de pension au comte de Choiseul son beau-frère.

L’abbé de Gamaches fut nommé auditeur de rote [1] en la place du cardinal de Polignac. C’étoit un garçon d’esprit, de savoir, encore plus d’ambition, et qui compta bien se faire cardinal. Mais pour le devenir quand on est François, il faut d’autres degrés que celui de la rote, et force ressorts dont cet abbé se flattoit bien aussi de ne pas manquer. Il y fit bien tout ce qu’il put, mais il mourut en la peine, après avoir frisé la corde plus d’une fois d’être rappelé et disgracié.

Le maréchal de Chamilly qui, à soixante-dix-huit ans, étoit sans enfants, et à qui le commandement de la Rochelle et des pays voisins ne pouvoit plus être bon à rien, obtint du roi de le faire passer au comte de Chamilly, ancien lieutenant général et fils de son frère, qui avoit été ambassadeur en Danemark.

  1. Voy., sur le tribunal de la rote, t. II, p. 383, note.