Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pas dans cet édit de 1711, et enregistré, le roi s’en étoit réservé à lui seul le jugement, sans qui que ce soit avec lui que le chancelier seul pour rapporter l’affaire, à qui les parties sans autre formalité donneroient leurs mémoires signés d’eux-mêmes, et en recevroient la communication par lui. On a vu aussi ce qui s’étoit passé entre eux en conséquence. L’adresse de l’un étoit de piquer le roi de jalousie sur son autorité à l’égard du parlement ; et celle de l’autre de bien expliquer que ce qui regardoit le parlement dans l’enregistrement des lettres, et dans la réception des impétrants, étoit une forme nécessaire, mais émanée du roi même, et qui par conséquent n’intéressoit en rien son autorité.

Je fis seul mes mémoires. Je les rendis les plus courts qu’il me fut possible. Je tâchai de n’y rien omettre de ce qui servoit à une instruction parfaite, et de guérir le roi sur les soupçons qu’on essayoit de lui jeter, et qui m’avoient, comme on l’a vu, mis une fois au moment de perdre ma cause.

Enfin tous les mémoires étant remis de part et d’autre au chancelier, et n’y ayant plus rien de part et d’autre à répondre ni à ajouter, le chancelier prit l’ordre du roi pour le jugement.

Le dimanche de la Passion, 18 mars, le roi tint conseil d’État après sa messe, dîna au petit couvert, entendit le sermon, remonta chez lui, où il trouva le chancelier, comme il le lui avoit ordonné, pour lui rapporter l’affaire. Elle dura bien deux heures.

Je m’étois présenté devant le roi au retour du sermon, sans lui rien dire. Le hasard fit que, passant au bas du grand escalier pour monter par le petit qui donnoit dans la première antichambre, je vis le chancelier qui descendoit. Je m’arrêtai pour l’attendre et lui demander à quoi j’en étais. Il eut la malice de faire avec moi le chancelier pour la première fois de sa vie. Il me dit avec une gravité austère : « Monsieur, je ne puis parler. » Je fus assez simple pour en