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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/70

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Le roi d’Espagne toujours curieux de nouvelles de France en demandoit souvent à son confesseur, le seul homme à qui il pût parler qui ne fût pas à Mme des Ursins. L’habile et le hardi Robinet, aussi inquiet que personne des progrès du dessein dont personne ne doutoit dans les deux cours de France et d’Espagne, se laissa pousser de questions dans une embrasure de fenêtre où le roi l’avoit attiré, et fit le réservé et le mystérieux pour exciter la curiosité davantage : quand il la vit au point où il la vouloit, il dit au roi que puisqu’il le forçoit il lui avoueroit que ses nouvelles de France étoient conformes à toutes celles de Madrid, où on ne doutoit plus qu’il ne fît à la princesse des Ursins l’honneur de l’épouser. Le roi rougit et répondit brusquement : « Oh ! pour cela, non, » et le quitta.

Soit que la princesse des Ursins fût informée de cette vive repartie, ou qu’elle désespérât déjà du succès, elle tourna court, et jugeant que cet état d’interstice au palais de Medina-Celi ne pouvoit durer toujours, résolut de s’assurer du roi par une reine qui lui dût un si grand mariage, et qui n’ayant aucun soutien se jetât entre ses bras par reconnoissance et par nécessité. Dans cette vue elle s’ouvrit à Albéroni qui, depuis la mort du duc de Vendôme, étoit demeuré à Madrid chargé des affaires de Parme, et lui proposa le mariage de la princesse, fille de la duchesse de Parme, et du feu duc, frère du régnant, qui avoit épousé la veuve de son frère.

Albéroni eut peine à croire ses oreilles ; une alliance si disproportionnée lui parut d’autant plus incroyable, qu’il n’espéra pas que la cour de France y pût consentir, et qu’il crut encore moins qu’on osât la conclure sans elle. En effet, une personne issue de double bâtardise, d’un pape par père, d’une fille naturelle de Charles-Quint par mère, fille d’un petit duc de Parme, et d’une mère tout autrichienne sœur de l’impératrice douairière, de la reine d’Espagne douairière, dont on étoit si mécontent, et qu’on avoit fait passer de l’exil de Tolède à la relégation de Bayonne, de la