Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/9

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et à Rome, il pouvoit le faire manquer ; il parla ferme à Rohan, et lui fit entendre le péril qu’il couroit à ne pas tenir les promesses qui lui avoient valu la charge de grand aumônier ; et il n’oublia rien pour se rendre maître de tout ce qu’il put d’évêques, et pour intimider ceux qui étoient déjà siens, [de façon] qu’aucun ne lui put échapper.

Il falloit recevoir la constitution, et la manière de le faire étoit embarrassante par la contradiction qu’elle rencontroit dès son premier abord. Le Tellier, qui me cultivoit toujours, m’avoit parlé souvent de cette affaire avant et depuis qu’elle fut portée à Rome ; et moi, qui évitois ces conversations, mais qui ne pouvois lui fermer ma porte, surtout à Fontainebleau où il étoit toujours à demeure, je lui répondois si franchement, et si fort selon la vérité et ma pensée que Mme de Saint-Simon m’en reprenoit souvent, et me disoit que je me ferois chasser, et peut-être mettre à la Bastille.

La constitution venue, le P. Tellier me demanda un rendez-vous pour raisonner avec moi. Je crus que c’étoit pour me la montrer, car presque personne encore ne l’avoit vue, et le nonce ne l’avoit pas encore portée au roi. Quand nous fûmes tête à tête je lui demandai à la voir. Il me dit qu’il n’en avoit qu’un exemplaire sur lequel on travailloit, mais qu’il me la donneroit au premier jour, et qu’il pouvoit m’assurer qu’elle étoit bien et bonne, et telle que j’en serois content ; que ce qui l’avoit engagé à me demander cette conversation, c’étoit pour me consulter sur la manière de la faire recevoir. Je me mis à rire de ce qu’il vouloit me demander ce qu’il savoit bien mieux que moi, et peut-être ce que déjà il avoit résolu. Il se répandit en discours, partie de compliments, partie de la difficulté de la chose sur un premier effarouchement qui commençoit à bourdonner. Il me pressa tellement que je lui dis qu’il me paraissoit qu’il avoit sa leçon toute tracée dans la manière dont le roi avoit fait recevoir la condamnation de M. de Cambrai, qui étoit