Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ici avec amertume, parce que tout doit être sacrifié à la vérité, M. le duc d’Orléans apporta au monde une facilité, appelons les choses par leur nom, une faiblesse qui gâta sans cesse tous ses talents, et qui fut à son précepteur d’un merveilleux usage toute sa vie. Hors de toute espérance du côté du roi depuis la folie d’avoir osé lui demander sa nomination au cardinalat, il ne songea plus qu’à posséder son jeune maître par la conformité à soi. Il le flatta du côté des mœurs pour le jeter dans la débauche, et lui en faire un principe pour se bien mettre dans le monde, jusqu’à mépriser tous devoirs et toutes bienséances, ce qui le feroit bien plus ménager par le roi qu’une conduite mesurée ; il le flatta du côté de l’esprit, dont il le persuada qu’il en avoit trop et trop bon pour être la dupe de la religion, qui n’étoit, à son avis, qu’une invention de politique, et de tous les temps, pour faire peur aux esprits ordinaires et retenir les peuples dans la soumission. Il l’infatua encore de son principe favori que la probité dans les hommes et la vertu dans les femmes ne sont que des chimères sans réalité dans personne, sinon dans quelques sots en plus grand nombre qui se sont laissé imposer ces entraves comme celles de la religion, qui en sont des dépendances, et qui pour la politique sont du même usage, et fort peu d’autres qui ayant de l’esprit et de la capacité se sont laissé raccourcir l’un et l’autre par les préjugés de l’éducation. Voilà le fond de la doctrine de ce bon ecclésiastique, d’où suivoit la licence de la fausseté, du mensonge, des artifices, de l’infidélité, de la perfidie, de toute espèce de moyens, en un mot, tout crime et toute scélératesse tournés en habileté, en capacité, en grandeur, liberté et profondeur d’esprit, de lumière et de conduite, pourvu qu’on sût se cacher et marcher à couvert des soupçons et des préjugés communs.

Malheureusement tout concourut en M. le duc d’Orléans à lui ouvrir le cœur et l’esprit à cet exécrable poison. Une neuve et première jeunesse, beaucoup de force et de santé,