Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/210

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parmi lesquels ses enfants ne se pouvoient compter par leur enfance, ni sa femme par le peu qu’elle avoit su se faire considérer dans la famille, et par sa tante même qui avoit été la première à lui ôter toute considération, il n’y avoit rien à craindre de ses sœurs ni de ses beaux-frères, excepté l’aînée, par la façon d’être de presque tous, et par la manière de vivre du duc de Noailles avec eux, en liaison et en familiarité, mais hors de portée de s’en laisser entamer. Quant à sa mère et à la duchesse de Guiche, il étoit vrai ce qu’il m’en disoit, mais il falloit aussi lui apprendre à quel titre ; que la maréchale chargée de ce grand nombre de filles et de dots pour les marier toutes, et le duc de Guiche, qui n’avoit rien et à qui son père ne donnoit rien, hors d’état de soutenir la dépense des campagnes, avoient l’un et l’autre obtenu un ordre du roi au contrôleur général, dès le temps que Pontchartrain l’étoit, de faire pour la mère et pour la fille toutes les affaires qu’elles protégeroient, et de chercher à leur donner part dans le plus qu’il pourroit ; que Chamillart avoit reçu le même ordre en succédant à Pontchartrain ; que je le savois de l’un et de l’autre, parce que tous deux me l’avoient dit, et qu’on m’avoit assuré que le même ordre avoit été renouvelé lorsque Desmarets fut fait contrôleur général ; que de cette sorte ce n’étoit plus avidité ni ténébreux manège à redouter d’elles auprès du duc de Noailles, mais des grâces pécuniaires que le roi vouloit et comptoit leur faire sans bourse délier, et qu’il ne dépendoit plus des contrôleurs généraux de refuser ; qu’au reste, il ne falloit pas croire que la maréchale de Noailles eût grand crédit sur son fils, ni que la duchesse de Guiche fit ce qu’elle vouloit de son frère ; qu’il ne se trouvoit personne sans quelque inconvénient, et que celui-là sembloit trop peu fondé pour l’exclusion d’un homme qui, étant tout ce que celui-là étoit, ne pouvoit avoir d’autre ambition que de se faire une réputation par son administration, bien supérieure à toute faiblesse pour sa famille, à l’égard de laquelle