Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/223

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de respectable que sa naissance, qu’elle-même tournoit contre sol, ne pouvoient effrayer qu’à la faveur des ténèbres, leurs utiles protectrices ; plus de restes de ces anciennes factions d’Orléans et de Bourgogne ; personne dans la maison de Lorraine dont le mérite, l’acquêt, les talents, le crédit, la suite ni la puissance fit souvenir de la Ligue ; plus d’huguenots et point de vrais personnages en aucun genre ni état, tant ce long règne de vile bourgeoisie, adroite à gouverner pour soi et à prendre le roi par ses faibles, avoit su tout anéantir, et empêcher tout homme d’être des hommes, en exterminant toute émulation, toute capacité, tout fruit d’instruction, et en éloignant et perdant avec soin tout homme qui montroit quelque application et quelque sentiment.

Cette triste vérité qui avoit arrêté M. le duc d’Orléans et moi sur la désignation de gens propres à entrer dans le conseil de régence, tant elle avoit anéanti les sujets, devenoit une sécurité contre le danger d’une assemblée d’états généraux. Il est vrai aussi que les personnes les plus séduites par ce grand nom auroient peine à montrer aucun fruit de leurs diverses tenues, mais il n’est pas moins vrai que la situation présente n’avoit aucun trait de ressemblance avec toutes celles où on les avoit convoqués, et qu’il ne s’étoit encore jamais présenté aucune conjoncture où ils pussent l’être avec plus de sûreté, et où le fruit qu’on s’en devoit proposer fût plus réel et plus solide. C’est ce que me persuadèrent les longues et fréquentes délibérations que j’avois faites là-dessus en moi-même, et qui me déterminèrent à en faire la proposition à M. le duc d’Orléans. Je le priai de ne prendre point d’alarme, avant d’avoir ouï les raisons qui m’avoient convaincu, et après lui avoir exposé celles qui viennent d’être expliquées, je lui mis au meilleur jour que je pas les avantages qu’il en pourroit tirer. Je lui dis que jetant à part les dangers que je venois de lui mettre devant les yeux, mais qui n’ont plus d’existence, le seul péril d’une