Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/263

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mais par un respect volontaire et bienséant, par sa propre autorité à lui, et pour s’éloigner de la bassesse de porter des coups au lion mort. Par la même raison, je fus d’avis que Mme de Maintenon jouît pleinement, et son Saint-Cyr, de tout ce que ces dispositions auroient fait en leur faveur, et que s’il n’y en avoit point, que toute liberté lui fût laissée de se retirer où elle voudroit, et que rien de pécuniaire qu’elle désireroit ne lui fût refusé. Il n’y avoit plus rien à craindre de cette fée presque octogénaire ; sa puissante et pernicieuse baguette étoit brisée, elle étoit redevenue la vieille Scarron. Mais je crus aussi qu’excepté liberté et le pécuniaire personnel, tout crédit et toute sorte de considération lui devoient être soigneusement ôtés et refusés. Elle avoit mérité bien pis de l’État et de M. le duc d’Orléans.

Parmi ces mesures, je n’oubliai pas celles que, dispositions du roi faites ou non, la prudence devoit inspirer. C’étoit de s’assurer du régiment des gardes, ce qui étoit fort aisé avec le duc de Guiche pour de l’argent. Contade, qui le gouvernoit et qui de plus étoit fort accrédité dans le régiment, étoit honnête homme et bien intentionné, et depuis longtemps je m’étois attaché à gagner Villars qui n’étoit qu’un avec Contade, et qui avoit son crédit personnel sur le duc de Guiche. J’ai déjà parlé de ces deux hommes. S’assurer de Reynold, colonel du régiment des gardes suisses, le premier et le plus accrédité de ce corps et qui le menoit, fort homme d’honneur et peu content en secret du joug du duc du Maine ; s’attacher Saint-Hilaire, qui pour l’artillerie étoit au même point que Reynold dans les Suisses ; et ne pas négliger d’Argenson. Tout cela fut fait, et avec cela rien à craindre dans Paris, ni du parlement qui se trouveroit environné du régiment des gardes quand le régent y irait. Rien à faire dans les provinces, où personne n’avoit d’autorité, qui toutes étoient indignées de la grandeur des bâtards et qui n’oseroient branler. Pour les frontières, du Bourg, qui commandoit en Alsace, étoit honnête homme, sans