Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/392

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la Suède et la Hollande, ne fit que l’animer. Il alla prendre en plein hiver toute la Franche-Comté, qui lui servit à la paix d’Aix-la-Chapelle à conserver des conquêtes de Flandre, en rendant la Franche-Comté.

Tout étoit florissant dans l’État, tout y étoit riche. Colbert avoit mis les finances, la marine, le commerce, les manufactures, les lettres même, au plus haut point ; et ce siècle, semblable à celui d’Auguste, produisoit à l’envi des hommes illustres en tout genre, jusqu’à ceux même qui ne sont bons que pour les plaisirs.

Le Tellier et Louvois son fils, qui avoient le département de la guerre, frémissoient des succès et du crédit de Colbert, et n’eurent pas de peine à mettre en tête au roi une guerre nouvelle, dont les succès causèrent une telle frayeur à l’Europe que la France ne s’en a pu remettre, et qu’après y avoir pensé succomber longtemps depuis, elle en sentira longtemps le poids et les malheurs. Telle fut la véritable cause de cette fameuse guerre de Hollande à laquelle le roi se laissa pousser, et que son amour pour Mme de Montespan rendit si funeste à son État et à sa gloire. Tout conquis, tout pris, et Amsterdam prête à lui envoyer ses clefs, le roi cède à son impatience, quitte l’armée, vole à Versailles, et détruit en un instant tout le succès de ses armes. Il répara cette flétrissure par une seconde conquête de la Franche-Comté, en personne, qui pour cette fois est demeurée à la France.

En 1676, le roi retourna en Flandre, prit Condé ; et Monsieur, Bouchain. Les armées du roi et du prince d’Orange s’approchèrent si près et si subitement qu’elles se trouvèrent en présence, et sans séparation, auprès de la cense d’Heurtebise [1]. Il fut donc question de décider si on donneroit bataille, et de prendre son parti sur-le-champ. Monsieur n’avoit pas encore joint de Bouchain, mais le roi étoit sans cela

  1. Heurtebise ou Hurtubise, près de Valenciennes.