Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/494

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ou vous seriez le plus ingrat homme du monde, et je ne crois pas que cela soit. La reine[1], qui écrit ici sur ma table, me dit de vous dire que ce que vous mandez du confident ne lui déplaît pas, et que je lui assure de son affection ; mon fils vous remercie aussi, et 22[2] me prie de vous dire que jusques au dernier soupir quoi que vous en croyiez. »


IV. DES CONSEILS.
Page 175.

Les conseils, dont Saint-Simon parle souvent dans ses Mémoires, et notamment (p. 175 de ce volume), présentoient des avantages et des inconvénients que le marquis d’Argenson a bien caractérisés[3] : « Lorsque l’on eut senti l’abus des conseils établis par M. le duc d’Orléans, et que l’on s’aperçut enfin qu’il y falloit renoncer[4], on leur donna une sorte d’extrême-onction en chargeant l’abbé de Saint-Pierre, qui les avoit d’abord approuvés, d’en faire l’apologie. Il s’en acquitta en composant un ouvrage qu’il intitula la Polysynodie, ou l’avantage de la pluralité des conseils, avec cette épigraphe tirée des proverbes de Salomon : Ubi multa consilia, salus[5]. Il avoit raison, à un certain point ; mais il est obligé lui-même de convenir qu’autant les conseils peuvent être utiles quand ils sont dirigés, que les questions qui leur sont soumises ont été d’avance préparées par l’autorité, et que celle-ci décide souverainement après les avoir consultés, autant sont-ils dangereux, lorsqu’au lieu de leur laisser le soin d’éclairer le pouvoir, on le leur abandonne tout entier. Alors ils dégénèrent en vraie pétaudière ; on tracasse, on dispute, personne ne s’entend, et il n’en résulte que désordre et anarchie.

« Pourtant de la suppression absolue des conseils, ou du moins de l’oisiveté dans laquelle on laisse languir ceux qui grossissent encore nos almanachs, on doit conclure que l’on ignore en France le parti que l’on en pourroit tirer. Je ne parle point de ces petites affaires particulières dont on amuse actuellement le tapis dans les conseils royaux des finances et des dépêches[6], lorsqu’on les assemble, mais

  1. La jeune reine Marie-Thérèse.
  2. C’est Anne d’Autriche elle-même, selon M. Walckenaër.
  3. Mémoires publies en 1825, p. 174-176.
  4. En octobre 1718.
  5. Saint-Simon parle dans ses Mémoires, à l’année 1718, de cet ouvrage de l’abbé de Saint-Pierre.
  6. On donnait ce nom au conseil chargé du gouvernement intérieur de la France.