Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/61

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pouvoit mourir, et où il étoit si important d’être bien informé des mesures de M. le duc d’Orléans, et de lui en faire inspirer de fausses. C’étoit un homme de sac et de corde, d’autant plus dangereux qu’il avoit beaucoup d’esprit et de sens, fort avare, fort particulier, fort débauché, mais avec sobriété pour conserver sa santé. Il étoit grand chasseur, et jusqu’à ces derniers temps chez lui, fort seul avec les chiens de M. le duc d’Orléans. Il avoit, comme on l’a vu, empoisonné la première femme de Monsieur, avec le poison que le chevalier de Lorraine lui avoit envoyé de Rome, duquel il fut toute sa vie intime, et du maréchal de Villeroy. Je ne lui avois jamais parlé lorsqu’il vint à Marly. Je n’ignorois pas ses menées avec M. du Maine, même avec Mme de Maintenon, et tout me déplaisoit en lui.

Lorsqu’il fat à Marly, et ce fut au bout de quatre jours de l’arrivée, Mme la duchesse d’Orléans me fit de grandes plaintes du délabrement et de la mauvaise administration des biens et revenus de M. le duc d’Orléans, me vanta la capacité et le mérite du marquis d’Effiat, son attachement pour M. le duc d’Orléans, son déplaisir de voir aller ses affaires en décadence, la facilité avec laquelle il les remettroit en bon état et les revenus plus qu’au courant, si on lui en vouloit donner le soin et l’autorité, qu’il ne vouloit pas demander mais qu’il accepteroit volontiers par amitié s’ils lui étoient offerts ; qu’elle en avoit raisonné avec lui sur ce pied-là. Elle ajouta qu’elle voudroit fort que je connusse le marquis d’Effiat, avec force louanges pour lui et pour moi ; et conclut par me prier de parler à M. le duc d’Orléans du dérangement de ses affaires, du mauvais effet que cela faisoit, pour un prince destiné à l’administration publique dans une minorité, et de lui proposer d’en remettre le soin et l’autorité au marquis d’Effiat. Je ne goûtai rien de tout cela. Je me défendis des nouvelles connoissances ; et on verra en son lieu que Mme la duchesse d’Orléans étoit bien moins femme que soeur. Je lui dis que j’avois toute ma vie observé