Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 12.djvu/7

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des Ursins avoit mis auprès de lui, pour lui tenir toujours compagnie et n’en laisser approcher qui que ce soit. Elle suivoit dans son carrosse pour arriver en même temps ; et dès en arrivant, le roi s’enfermoit seul avec elle et ne voyoit plus personne jusqu’à son coucher. Les retardements des chemins et de la saison avoient conduit à Noël. Ce fut le 22 décembre que le roi d’Espagne arriva à Guadalaxara. Le lendemain 23, surveille de Noël, la princesse des Ursins partit avec une très légère suite pour aller à sept lieues plus loin à une petite villette nommée Quadraqué, où la reine devoit coucher ce même soir. Mme des Ursins comptoit aller jouir de toute la reconnoissance de la grandeur inespérable qu’elle lui procuroit, passer la soirée avec elle, et l’accompagner le lendemain dans son carrosse à Guadalaxara. Elle trouva à Quadraqué la reine arrivée ; elle mit pied à terre en un logis qu’on lui avoit préparé vis-à-vis et tout près de celui de la reine. Elle étoit venue en grand habit de cour et parée. Elle ne fit que se rajuster un peu, et s’en alla chez la reine. La froideur et la sécheresse de sa réception la surprit d’abord extrêmement ; elle l’attribua d’abord à l’embarras de la reine, et tâcha de réchauffer cette glace. Le monde cependant s’écoula par respect pour les laisser seules.

Alors la conversation commença. La reine ne la laissa pas continuer, se mit incontinent sur les reproches qu’elle lui manquoit de respect par l’habillement avec lequel elle paraissoit devant elle, et par ses manières. Mme des Ursins, dont l’habit étoit régulier, et qui, par ses manières respectueuses et ses discours propres à ramener la reine, se croyoit bien éloignée de mériter cette sortie de sa part, fut étrangement surprise et voulut s’excuser ; mais voilà tout aussitôt la reine aux paroles offensantes, à s’écrier, à appeler, à demander des officiers des gardes, et à commander avec injure à Mme des Ursins de sortir de sa présence. Elle voulut parler et se défendre des reproches qu’elle recevoit, la reine, redoublant de furie et de menaces, se mit à crier