Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/112

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D’Antin, M. de Metz, et quelques autres insistèrent sur la situation où nous jetoit l’étrange tour qu’on avoit su donner à une affaire qu’on nous avoit fait entreprendre malgré nous ; tout cela fut rappelé en peu mots. M. de Sully, Charost, moi et quelques autres, M. de Reims sur tous à qui la permission avoit été donnée, et qui l’avions portée à tous de sa part, moi tout récemment, et en la réitérant le matin de ce même jour à la nombreuse assemblée chez le duc de La Trémoille, demandâmes quel effet il pouvoit attendre d’une telle variation, et de la considération que la première dignité du royaume si blessée, et les personnes qui en étoient revêtues croyoient au moins, pour la plupart, mériter de lui. Son embarras fut extrême, mais sans s’ébranler. Nous nous regardâmes tous, et nous nous dîmes les uns aux autres que ce qui nous étoit demandé étoit impossible après ce qui s’étoit passé.

M. le duc d’Orléans parut fort peiné, avoua plusieurs fois que ce bonnet étoit une usurpation insoutenable, que les autres dont nous nous plaignions ne l’étoient pas moins ; mais qu’il falloit y pourvoir en temps et lieu, et ne pas troubler une séance si importante par une querelle particulière ; que plus elle étoit juste, puis il nous seroit obligé de la suspendre, plus nous mériterions de l’État, plus nous serions approuvés du public de préférer les affaires générales aux nôtres. « Mais, lui dis-je, monsieur, quand les publiques seront réglées, vous vous moquerez de nous et des nôtres ; et si nous ne prenons une conjoncture telle que celle-ci, vous nous remettrez sans fin, et nous vous aurons sacrifié nos intérêts en vain. » M. le duc d’Orléans nous protesta merveilles, et nous engagea sa parole positive, formelle, solennelle, de juger en notre faveur toutes nos disputes sur les usurpations du parlement : bonnet, conseillers sur le banc, etc., aussitôt que les affaires publiques seroient débouchées. Je le suppliai de prendre garde à l’engagement, de ne promettre que ce qu’il voudroit tenir, et