Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/123

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à sa disposition, parce qu’il ne les pouvoit discuter qu’avec des personnes qui, étant approuvées du public, pussent aussi avoir sa confiance. Ce court discours parut faire une grande impression.

Le duc du Maine voulut parler. Comme il se découvroit, M. le duc d’Orléans avança la tête par-devant M. le Duc, et dit au duc du Maine d’un ton sec : « Monsieur, vous parlerez à votre tour. » En un moment l’affaire tourna selon les désirs de M. le duc d’Orléans. Le pouvoir du conseil de régence et sa composition tombèrent. Le choix du conseil de régence fut attribué à M. le duc d’Orléans, régent du royaume, avec toute l’autorité de la régence, et à la pluralité des voix du conseil de régence la décision des affaires seulement, avec la voix du régent comptée pour deux, en cas de partage. Ainsi toutes les grâces et les punitions demeurèrent en la main seule de M. le duc d’Orléans. L’acclamation fut telle que le duc du Maine n’osa dire une parole. Il se réserva pour soutenir le codicille, dont la conservation, en effet, eût annulé par soi-même tout ce que M. le duc d’Orléans venoit d’obtenir.

Après quelques moments de silence, M. le duc d’Orléans reprit la parole. Il témoigna une nouvelle surprise que les dispositions du testament n’eussent pas suffi à qui les avoit suggérées, et que, non contents de s’y être établis les maîtres de l’État, ils en eussent eux-mêmes trouvé les clauses si étranges qu’il avoit fallu, pour se rassurer, devenir encore les maîtres de la personne du roi, de la sienne à lui, de la cour et de Paris. Il ajouta que si son honneur se trouvoit blessé au point où il lui paraissoit que la compagnie l’avoit senti elle-même par les dispositions du testament, ainsi que toutes les lois et les règles, les mêmes étoient encore plus violées par celles du codicille, qui ne laissoit ni sa liberté ni sa vie même en sûreté, et mettoit la personne du roi dans l’absolue dépendance de qui avoit osé profiter de l’état de faiblesse d’un roi mourant pour lui arracher