Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/146

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Je lui fis peur de l’embarras où il se trouveroit entre désobliger si formellement le pape, ou lui donner pied à se mêler du gouvernement intérieur, avec les conséquences pernicieuses qui en résulteroient. Il les sentit, mais il avoit peine à finir. Je lui proposai alors, pour éviter toute affectation, de déclarer tout à la fois les places du duc et du cardinal de Noailles, d’appeler le duc sur-le-champ, de faire la déclaration tout haut, en présence de tout ce monde, et de le charger de l’aller dire à son oncle. Le régent balança encore, je le pressai, et j’en vins à bout. Il appela le duc de Noailles, en s’approchant du monde, et fit la déclaration. Noailles me parut également surpris et ravi de joie, fit son remerciement pour soi et pour son oncle.

Tout retentit de cette nouvelle aussitôt après dans le Palais-Royal, et dès le soir à Paris. Le lendemain toute la ville le sut, et la joie et les applaudissements parurent universels, autant que la douleur et le dépit furent extrêmes dans le parti opposé, naguère si gros et si triomphant, alors si réduit en nombre et en crédit. Le remerciement du cardinal de Noailles, le lendemain au régent, acheva de consommer la chose.

Il en étoit temps. On sut que la prière du pape étoit résolue. Il la changea en plaintes, mais assez douces, auxquelles le régent répondit plus doucement encore, mais avec une fermeté sur la chose, mêlée de force compliments et respects. On vit alors bien à clair le pouvoir de la puissance temporelle sur les matières ecclésiastiques, et bien à nu la gaze délice de ce manteau de religion qui couvre tant d’ambition, de cabales, de brigues et d’infamies.

Cette bonne cause, dont sous le feu roi la foi et toute la religion sembloit dépendre, cette constitution qui avoit obscurci l’Évangile compté pour peu en comparaison, et ce que j’avance en soi n’est point exagération, changea tout à coup de situation avec ce parti de mécroyants, de révoltés, de schismatiques, d’hérétiques proscrits, persécutés, dont