Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/18

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par l’avoir assez aimée pour n’avoir pu se résoudre à la chasser tant de fois que le roi l’en avoit pressée, une rivale encore si au-dessous d’elle en beauté, et plus âgée qu’elle de plusieurs années ; sentir que c’étoit pour cette suivante, pour ne pas dire servante, que le roi venoit le plus chez elle, qu’il n’y cherchoit qu’elle, qu’il ne pouvoit dissimuler son malaise lorsqu’il ne l’y trouvoit pas ; et le plus souvent la quitter elle, pour entretenir l’autre tête à tête ; enfin avoir à tous moments besoin d’elle pour attirer le roi, pour se raccommoder avec lui de leurs querelles, pour en obtenir des grâces qu’elle lui demandoit. Ce fut donc dans des temps si propices à cette enchanteresse que le roi devint libre.

Il passa les premiers jours à Saint-Cloud, chez Monsieur, d’où il alla à Fontainebleau, où il passa tout l’automne. Ce fut là ou son goût, piqué par l’absence, la lui fit trouver insupportable. À son retour on prétend, car il faut distinguer le certain de ce qui ne l’est pas, on prétend, dis-je, que le roi parla plus librement à Mme de Maintenon, et qu’elle, osant essayer ses forces, se retrancha habilement sur la dévotion, et sur la pruderie de son dernier état ; que le roi ne se rebuta point ; qu’elle le prêcha et lui fit peur du diable, et qu’elle ménagea son amour et sa conscience l’un par l’autre avec un si grand art, qu’elle parvint à ce que nos yeux ont vu, et que la postérité refusera de croire.

Mais ce qui est très certain, et bien vrai, c’est que quelque temps après le retour du roi de Fontainebleau, et au milieu de l’hiver qui suivit la mort de la reine, chose que la postérité aura peine à croire, quoique parfaitement vraie et avérée, le P. de La Chaise, confesseur du roi, dit la messe en pleine nuit dans un des cabinets du roi à Versailles. Bontems, gouverneur de Versailles, premier valet de chambre en quartier, et le plus confident des quatre, servit cette messe où ce monarque et la Maintenon furent mariés, en présence d’Harlay, archevêque de Paris, comme diocésain, de Louvois, qui tous deux avoient, comme on l’a dit, tiré parole du roi