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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/20

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elle gouverna sans lacune, sans obstacle, sans nuage le plus léger, plus de trente ans entiers, et même trente-deux ; c’est l’incomparable spectacle qu’il s’agit de se retracer, et qui a été celui de toute l’Europe.




CHAPITRE II.


Caractère de Mme de Maintenon. — Goût de direction. — Persécution du jansénisme. — Antérieures dissipations des saints et savants solitaires de Port-Royal. — Révocation de l’édit de Nantes. — Établissement de Saint-Cyr. — Vues de Mme de Maintenon, qui manque une seconde fois la déclaration de son mariage. — Mme de Maintenon seconde dame d’atours de la Dauphine de Bavière, qu’elle environne de personnes toutes à elle, inutilement. — Malheurs et mort de cette Dauphine. — Fénelon, archevêque de Cambrai, et Bossuet, évêque de Meaux, consultés et contraires à la déclaration du mariage. — Le premier achève d’être perdu. — Raisons qui sauvent l’autre. — Mme de Montespan chassée pour toujours de la cour. — Époque de l’union la plus intime entre Mme de Maintenon et le duc du Maine. — Crayon léger de celui-ci.


C’étoit une femme de beaucoup d’esprit, que les meilleures compagnies, où elle avoit d’abord été soufferte, et dont bientôt elle fit le plaisir, avoient fort polie et ornée de la science du monde, et que la galanterie avoit achevé de tourner au plus agréable. Ses divers états l’avoient rendue flatteuse, insinuante, complaisante, cherchant toujours à plaire. Le besoin de l’intrigue, toutes celles qu’elle avoit vues, en plus d’un genre, et de beaucoup desquelles elle avoit été, tant pour elle-même que pour en servir d’autres, l’y avoient formée, et lui en avoient donné le goût, l’habitude et toutes les adresses. Une grâce incomparable à tout, un air d’aisance, et toutefois de retenue et de respect,