Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/229

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le Premier, jamais depuis. Je la voyois chez son mari quelquefois ; jamais je ne lui ai rendu de visite. Le Premier me dit bien des fois depuis le jugement que je l’avois étrangement mis en peine par le serré et le concis dont je lui parlois, qui lui avoit fait tout craindre de ma part pour la décision de son affaire, laquelle fut fort approuvée du public.

J’eus lieu de me savoir gré d’avoir fait dresser l’arrêt tout de suite dès qu’on l’eut prononcé. M. le Grand vint au Palais-Royal, criant qu’on l’avoit égorgé, et tempêta tant que le régent lui permit de faire telles protestations qu’il voudroit contre le jugement que le conseil de régence, c’est-à-dire que le roi même venoit de rendre (car il étoit de pareille force ainsi que tout ce qui émanoit de ce conseil) et lui signa un ordre à tout notaire qu’il voudroit choisir de recevoir ses protestations et de lui en donner acte. Outre la misère d’une faiblesse si honteuse qui alloit à saper l’autorité et la stabilité de tout ce que le conseil de régence pouvoit ordonner, le régent n’en prévit pas les autres conséquences. M. le Grand fit donc ses protestations, publia qu’il ne se tenoit pas pour battu, et qu’à la majorité il espéroit avoir justice.

Des paroles il passa tôt aux effets. La guerre recommença par les usurpations et les attaques de la grande écurie contre la petite, avec la même indécence, la même fréquence, le même danger qu’avant le jugement, que M. le Grand traita toujours de nul, fondé sur la permission qu’il avoit obtenue de protester contre, en sorte que, dans le fait et à la dépouille de la petite écurie près, que le premier écuyer eut, ce dernier ne se trouva ni mieux ni plus en sûreté qu’avant le jugement. Les plaintes qu’il en porta au régent furent écoutées ; mais ce fut tout. Ce prince n’imposa point ; et les embûches, les entreprises et les combats furent journaliers.

Achevons cette matière, puisqu’elle se présente si naturellement, quoiqu’elle dépasse la mesure du temps que j’ai